LittératureDans la peau de
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Émilie, Richard, on est ravis de faire votre connaissance! Émilie, tu es consultante en histoire, autrice et éditrice; Richard, tu es professeur, directeur d’écoles et directeur des services éducatifs retraité, en plus d’être un véritable «lecteur compulsif» et d’avoir dirigé plusieurs publications. On est curieux de savoir: d’où vous est venue la piqûre pour la littérature?
É. «Je suis tombée dedans quand j’étais petite! Je me souviens que déjà à l’école primaire, mon but était d’avoir une grosse bibliothèque bien remplie! J’ai toujours aimé partir à la rencontre de nouveaux personnages, d’un nouveau style, de nouvelles connaissances… J’ai d’ailleurs choisi un métier qui me permet de rester constamment plongée dans des livres: celui d’historienne. Puis, l’attrait du milieu du livre s’est fait plus pressant, et j’ai entamé un diplôme en édition à l’Université de Sherbrooke. Une bonne partie de mon univers tourne autour des livres! Au-delà du volet professionnel, je consomme aussi de la fiction: j’aime beaucoup les romans policiers (mais pas que, bien sûr!) et j’adore découvrir des auteurs québécois!»
R. «Dès le moment où j’ai appris à lire, je me suis plongé dans le premier livre sur lequel j’ai mis la main. Tous les samedis, je me rendais à la bibliothèque de mon quartier et j’en ressortais avec une dizaine de livres. Depuis ce temps, je lis toujours un livre ou deux en même temps et je m’assure d’en avoir plein d’autres en réserve. Comme directeur d’école, je me suis laissé prendre par la littérature jeunesse et la pédagogie de l’enseignement de la lecture. Enfin, à la retraite, comme j’adorais parler de mes lectures, j’ai créé un blogue littéraire. Au fur et à mesure de mon implication, je voyais la richesse de nos publications québécoises, mais que peu de lecteurs qui s’y intéressaient. Je me suis donc impliqué dans le monde de l’édition dans le seul but de faire connaitre les auteurs et autrices d’ici. Et l’idée de recueil de nouvelles policières s’est imposée. Après trois recueils pour les adultes, j’ai dirigé deux recueils pour les jeunes. Et un troisième est en préparation.»
L’une des autres passions que vous partagez, c’est l’Histoire. Est-ce grâce à cet intérêt commun que vous vous êtes rencontrés et que vous avez été amenés à codiriger De racines et de mots: Persistance des langues en Amérique du Nord, qui est paru le 23 mars aux éditions du Septentrion?
R. «Notre première rencontre s’est faite à l’Université de Sherbrooke, dans le cadre du programme de D.E.S.S. de 2e cycle en édition. Chaque année, je viens parler de mon expérience dans le développement de séries et de collection et de ma courte expérience comme directeur de collection et éditeur intellectuel. Lors de cette rencontre, il y a eu un déclic entre Émilie et moi et une belle amitié intergénérationnelle est née. Comme nos passions se croisaient, nous échangions sur nos lectures, en littérature et en histoire. “Entraîné” par ma conjointe généalogiste dans des activités en histoire, comme les Rendez-vous d’histoire de Québec, je me suis rendu compte que l’histoire et la littérature pourraient développer des intérêts communs. C’était l’occasion d’enrichir notre amitié en travaillant sur un projet commun. Quelques rencontres de conception, beaucoup d’échanges sur la thématique, quelques lectures pour donner de la chair à notre projet et, à la première rencontre avec les éditions du Septentrion, le projet était accepté. Voilà… c’était parti!»
É. «Oui, notre rencontre est, bien sûr, étroitement liée au monde du livre! Richard plongé dans la littérature avec un penchant pour l’histoire, et moi plongée dans l’histoire avec un penchant pour la littérature, c’était le parfait match pour faire naître une idée comme celle du recueil! Notre objectif était vraiment de marier les deux disciplines dans un objet original, de proposer aux autrices et auteurs un exercice “nouveau genre” en créant des nouvelles historiques.»
Cet ouvrage consiste en un recueil de 12 récits historiques où historiens, historiennes, géographes, ethnologues, romanciers et romancières mettent en valeur les langues et, plus spécifiquement, celles d’Amérique du Nord. En quoi cette thématique résonne-t-elle particulièrement en vous?
É. «La thématique s’est rapidement imposée à nous. Nous cherchions un thème avec une perspective historique importante, un sujet qui peut toucher les lecteurs et lectrices et qui reste d’actualité. Nous voulions que les auteurs et autrices aient d’emblée le goût d’embarquer dans notre projet, et pour ça, ça nous prenait une thématique forte. Au Québec, en raison de notre situation géographique, la langue est un sujet qui nous touche collectivement, et nous avons donc décidé d’aller dans ce sens-là, en élargissant un peu cette idée.»
R. «Si on regarde l’histoire contemporaine du Québec, on se rend bien compte que la question de la langue revient constamment dans l’actualité. Bill 22, loi 101, protection du français à Montréal: tout cela s’ajoute aux 400 ans de l’histoire du Québec, de la Nouvelle-France jusqu’à la Confédération en passant par la Conquête. De tous temps, la langue a été une préoccupation constante dans notre coin de pays. Toutefois, nous ne voulions pas nous limiter à la survie de la langue française et nous avons dès le départ ouvert la porte aux autres langues de l’Amérique du Nord. C’est ce qui nous a permis de recevoir des textes sur le tutchone du Nord, l’abénaquis, le wendat et le ladino.»
Au fil des histoires, le lecteur sillonne notamment les routes de l’Acadie, de l’Alberta, du Yukon ou du Québec. Où êtes-vous allés chercher les différents auteurs qui ont collaboré à ce livre, et sur quels critères vous êtes-vous basés pour constituer ce corpus?
R. «Dès le départ, nous nous sommes donné le mandat d’assurer une représentation diversifiée d’auteurs et autrices de fiction et d’historiens et historiennes (finalement, nous avons élargi aux géographes et ethnologues). C’était notre idée de départ de marier dans un même recueil des genres qui ne sont pas habitués de se côtoyer. Puis, nous visions une parité entre les hommes et les femmes. Nous avions également un troisième critère, celui d’avoir des représentants des Premières Nations. Et nous sommes partis à la recherche des personnes qui pourraient accepter ce genre de défi.»
É. «Nous voulions aller chercher des participants dont nous connaissions la compétence, les publications antérieures, la bibliographie, des gens avec qui on aimerait travailler. Comme c’est un livre publié dans une maison d’édition en histoire, la qualité de la dimension historique des nouvelles était importante pour nous. Nous avons élaboré une liste de personnes à contacter, nous en avons discuté, fait consensus, et nous avons envoyé notre offre de participation. Nous avons reçu quelques refus bien sûr, des gens qui n’étaient pas intéressés par l’exercice ou trop occupés, mais au final, nous sommes vraiment satisfaits de notre sélection!»
Ensemble ou séparément, avez-vous déjà d’autres projets en tête? On aimerait savoir ce qui vous occupera en 2021!
É. «Je suis présentement bien occupée avec mes mandats de consultation en histoire, ce qui me prend la plupart de mon temps! Et mon deuxième bébé est en route, alors je dirais que ça occupera bien une partie de mon année 2021, oui!»
R. «Je travaille présentement sur le troisième recueil de nouvelles pour les jeunes lecteurs du primaire. Après Mystères à l’école et Les nouveaux mystères à l’école, ce troisième tome s’intitulera Les petits mystères à l’école. À plus long terme, je travaille à élaborer un quatrième tome avec une thématique un peu plus risquée, mais qui pourrait toucher une problématique très actuelle.»
É et R. «Oui, nous avons un deuxième projet ensemble qui alliera encore l’histoire et la littérature. L’idée de départ est définie, le concept s’élabore graduellement et nous commençons nos recherches de contenus. Mais on garde le secret de la thématique!»