LittératureCroisée des mots avec
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Guy, on est très heureux d’avoir l’opportunité d’échanger avec vous! Vous êtes originaire de Cap-Haïtien, mais votre terre d’accueil, depuis 40 ans, c’est le Québec. Vous qui êtes diplômé en sciences économiques et en relations industrielles, vous avez également complété une maîtrise en administration publique, avant de travailler comme cadre supérieur à la fonction publique fédérale. Dites-nous, durant votre parcours académique, et même vos années comme travailleur qualifié, aviez-vous déjà cette flamme intérieure pour la littérature?
«Cette flamme intérieure pour la littérature m’a toujours habité. Déjà, enfant, la lecture constituait un de mes passe-temps favoris. Plus tard, si je n’ai pas fait des études en lettres, c’est uniquement parce que cela m’avait été fortement déconseillé puisqu’ainsi, je réduisais mes chances de percer sur le marché du travail. Ce qui, en partie, était vrai.»
«Je me suis donc lancé dans d’autres domaines et, ensuite, j’ai priorisé le travail et la famille. Toutefois, cette flamme intérieure ne s’est jamais éteinte et, malgré quelques tentatives infructueuses d’être publié, je caressais toujours ce rêve.»
«Quand j’ai pris ma retraite, l’écriture est alors devenue ma principale occupation.»
Depuis que l’écriture a fait son entrée dans votre vie par la grande porte, vous avez publié un premier recueil de nouvelles et un roman – qu’on a personnellement bien aimés cela dit! –, À l’ombre des érables et des palmiers (Les éditions L’Interligne, 2018) et Rue des rêves brisés (Les éditions L’Interligne, 2019). Le 19 mai 2023, les Éditions Terre d’accueil publiaient votre plus récent ouvrage, Mémoire vagabonde, un recueil de 15 nouvelles qui transportent le lecteur dans différentes villes du monde et où vous explorez les thèmes de la condition humaine et des vicissitudes de l’existence. Racontez-nous la genèse derrière l’écriture de ce recueil.
«La nouvelle est un genre littéraire que j’affectionne particulièrement. Mon cerveau est toujours à l’affût de la phrase, de l’idée ou de l’anecdote qui pourrait se transformer en nouvelle.»
«Quand j’ai commencé l’écriture de ce recueil, je n’avais pas une idée précise du thème qui allait s’y dégager et du titre, encore moins! Cependant, après avoir complété quatre ou cinq nouvelles, je me suis rendu compte que non seulement les histoires se passaient dans des villes différentes, mais que pour la plupart, il s’agissait d’événements enfouis au fond de ma mémoire qui refaisaient surface.»
«Dès lors, j’ai décidé de continuer dans cette veine et, plus tard, le titre s’est imposé. Quant aux thèmes explorés, eh bien, ils font partie de ceux qui me préoccupent.»
Il n’y a pas à dire, votre écriture recèle de thèmes forts desquels vous semblez avoir une affection toute particulière, que ce soit l’exil, le racisme, ou encore la nostalgie, un triplé qu’on retrouve notamment dans votre roman Rue des rêves brisés. On se souvient encore du grand déchirement intérieur de votre personnage Christophe, qui a toujours rêvé, jeune garçon, d’aller en Haïti, mais à l’adolescence, et avec le contexte politique tendu qui y règne, l’envie n’y est plus, et l’heure des doutes sonne le glas d’un projet qui l’horrifie. On est curieux: pourquoi ces thèmes vous interpellent-ils autant?
«Les thèmes que vous citez font partie de mon vécu, de mon vécu d’immigrant, de mon vécu d’homme noir qui vit dans un pays où il est minoritaire.»
«Aussi, j’ai eu la chance de vivre assez longtemps dans mon pays d’origine et cela à une époque où malgré la dictature, on vivait mieux qu’aujourd’hui. En dépit de mon amour pour mon pays d’adoption, je reste nostalgique de cette époque, c’est-à-dire des vingt premières années de ma vie. Ainsi, Haïti, que j’ai laissé il y a plusieurs décennies, m’habite toujours et, comme tel, se retrouve souvent dans ce que j’écris.»
«Toutefois, mes préoccupations vont bien au-delà de ces thèmes et, comme tout écrivain, je vise à l’universalité.»
Malgré le fait évident que la langue anglaise prédomine dans un pays aussi vaste que le Canada, qu’on se le dise, la littérature franco-ontarienne a toute sa légitimité dans le milieu littéraire francophone, bien sûr au Canada, mais aussi à travers toute la francophonie. Aurais-tu la gentillesse de nous présenter trois auteurs ou autrices de l’Ontario français et leurs œuvres, afin de donner un bel avant-goût de nos talents francophones à nos lecteurs et lectrices?
«C’est toujours un exercice difficile de faire ce genre de choix. Et si vous me posez la question dans six mois ou dans un an, ma réponse pourrait être différente.
Alors, pour me faciliter la tâche, je vais citer mes derniers coups de cœur: Michèle Vinet, auteure de Jaz, un roman magnifique; Didier Leclair, qui vient de publier Le prince africain, le traducteur et le nazi, une histoire captivante qui nous instruit et qui nous divertit en même temps; Danièle Vallée, auteure de Sept nuits dans la vie de Chérie, un roman avec une intrigue déroutante.»
«Permettez-moi de tricher et d’étirer un tout petit peu la liste pour ajouter Melchior Mbonimpa, qui vient de faire paraître aux éditions Terre d’Accueil un magnifique recueil de nouvelles intitulé Les zigzags du destin, et Janine Messadié, auteure de Lettre à Tahar Ben Jelloun.»
Le 12 mars prochain, à 19 h, vous serez le septième invité de l’animateur Hugues Beaudoin-Dumouchel à l’occasion de la causerie littéraire gratuite Croisée des mots, présentée par l’AAOF et la Bibliothèque publique d’Ottawa (BPO). Chaque mois, via la plateforme Zoom, les amateurs et amatrices de littérature franco-canadienne découvriront, en direct de leur chez-soi, de nouveaux visages de l’Ontario francophone. Qu’auriez-vous envie de dire, comme mot de la fin, pour convier le public à cette rencontre-discussion d’une heure?
«Tout d’abord, cette causerie est une excellente initiative et une excellente façon de connaître un∙e auteur∙e au-delà de son œuvre. C’est comme le ou la recevoir dans son salon, avec la possibilité de lui poser des questions en direct. Bref, c’est un moment littéraire privilégié qu’il ne faut pas rater!»