LittératureCroisée des mots avec
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Claude, c’est un plaisir de faire votre connaissance et de vous présenter à nos lecteurs québécois! Alors, vous êtes auteur, scénographe, réalisateur et metteur en scène. Un être polyvalent finalement. Parlez-nous brièvement de ces passions artistiques qui occupent votre esprit et embrasent votre regard depuis bon nombre d’années déjà.
«C’est en travaillant comme accessoiriste et scénographe que j’ai pu me payer le luxe de faire de la mise en scène, et d’écrire.»
«Écrire, pour moi, c’est partir à l’aventure, faire des découvertes. Je ne me donne pas de but. Je ne cherche pas à écrire une histoire en particulier ou à traiter d’un sujet quelconque. Il m’arrive aussi, parfois, d’écrire pour passer à travers des moments difficiles. C’est carrément de l’automatisme.»
«Que je travaille un texte, une conception ou la construction d’un décor, ou même la scénarisation et la réalisation d’un documentaire, le travail est le même pour moi. Ça prend de la recherche. Beaucoup de recherche. Et ça prend de l’imagination. Quand on sait comment construire, on peut tout inventer.»
Le 3 octobre 2023, les Éditions Prise de parole ont fait paraître en librairie Welsford, un roman «qui a pour toile de fond un phénomène des plus américains, le développement des banlieues dans les années 70. [Ce livre] ouvre une perspective unique sur Toronto, une métropole où tout est marchandable, même la vérité.» Tout cela est bien intrigant! Comment vous est venue l’inspiration pour cette intrigue, et comment avez-vous trouvé l’exercice d’écrire une première histoire à saveur policière?
«Au départ, je n’avais pas l’intention d’écrire un polar. Tout ça a commencé par une recherche sur le quartier de mon enfance. Je suis né à Montréal, mais en 1966, ma famille a déménagé à Toronto, plus précisément dans la banlieue de Don Mills au nord-est de la ville.»
«À côté des maisons en rangée où nous habitions, il y avait, à l’époque, une terre avec des chevaux, des granges et un immense séminaire au milieu d’un grand champ. Je n’ai jamais su à qui avait appartenu cet immense terrain, lequel, en 1970, est devenu un quartier résidentiel. Ce n’est que récemment que j’ai découvert que cette terre avait appartenu à Frank Patrick O’Connor, sénateur canadien et, à ma grande surprise, fondateur de la chocolaterie Laura Secord. À son décès, en 1939, O’Connor avait légué plus de 1 000 acres de terre aux Frères des écoles Chrétiennes.»
«Cette recherche, ou mon enquête, si vous préférez, a inspiré celle du protagoniste de Welsford, qui retourne sur les lieux de son adolescence pour résoudre un meurtre. Jamais il n’aurait imaginé ce qu’il était sur le point de découvrir au sujet de sa propre famille. Est-ce qu’on connaît vraiment nos proches?»
Vous qui avez signé quatre pièces de théâtre – rappelons à ce sujet que vous êtes le cofondateur de la compagnie torontoise Théâtre La Tangente! – dont AmericanDream.ca (L’interligne, 2019), à travers lequel vous avez mis en lumière les dérives du capitalisme américain, abordant, au passage, l’assassinat de JFK et les événements tragiques du 11 septembre 2001, puis Comment on dit ça, «t’es mort», en anglais? (L’Interligne, 2012), une œuvre poétique qu’on qualifierait de choc et au sein de laquelle trois protagonistes d’une même famille sont comme pris dans leurs armures impénétrables, «parce qu’un homme, ça ne parle pas». Qu’est-ce qui vous donne la pulsion d’explorer la force obscure de l’humanité à travers vos écrits?
«J’ai écrit le récit poétique Comment on dit ça, «t’es mort», en anglais? suite aux décès consécutifs de mon père et de mon frère. Mes relations avec ces deux hommes étaient compliquées, et quand ils sont partis, j’ai ressenti un vide, mais pas pour les raisons qu’on penserait. Qui sommes-nous quand on perd nos antagonistes? Qu’est-ce qu’on devient lorsqu’une tension que nous avons connue depuis des années disparaît soudainement?»
«Quand j’étais adolescent, à Toronto, notre culture (cinéma, télévision, musique) était américaine. Même chez les Anglo-canadiens, leur culture était américaine. On ne se posait même pas de question à ce sujet.»
«Mon écriture est teintée des choix que l’on fait en tant que Canadiens, qu’ils soient politiques, idéologiques ou culturels, et ils sont grandement influencés par ce qui se passe aux États-Unis. Quand le Canada va en guerre, il y va par obligation économique. Pour ne pas mettre en péril des relations commerciales, le Canada doit “faire sa part”. Nous avons refusé de participer à la guerre en Irak, même si le monde de la finance faisait pression, mais nous avons participé à la guerre en Afghanistan, où je suis allé tourner un documentaire.»
«C’est ce que j’ai abordé dans AmericanDream.ca et dans Welsford. Mon écriture est carrément en réaction à ce qui se passe autour de nous.»
Malgré le fait évident que la langue anglaise prédomine dans un pays aussi vaste que le Canada, qu’on se le dise, la littérature franco-ontarienne a toute sa légitimité dans le milieu littéraire francophone, bien sûr au Canada, mais aussi à travers toute la francophonie. Auriez-vous la gentillesse de nous présenter trois auteurs ou autrices de l’Ontario français et leurs œuvres, afin de donner un bel avant-goût de nos talents francophones à nos lecteurs et lectrices?
«J’ai trop peu lu de littérature franco-ontarienne pour vous présenter des auteurs.res en particulier.»
Le 23 janvier prochain, à 19 h, vous serez le cinquième invité de l’animateur Hugues Beaudoin-Dumouchel à l’occasion de la causerie littéraire gratuite Croisée des mots, présentée par l’AAOF et le Salon du livre de Sudbury. Chaque mois, via la plateforme Zoom, les amateurs et amatrices de littérature franco-canadienne découvriront, en direct de leur chez-soi, de nouveaux visages de l’Ontario francophone. Qu’auriez-vous envie de dire, comme mot de la fin, pour convier le public à cette rencontre-discussion d’une heure?
«Merci de m’accueillir chez vous, merci de vous intéresser à ce premier roman. Et surtout, merci d’aller à la découverte de la littérature franco-ontarienne!»