«J’haïs les bébés» de François Barcelo – Bible urbaine

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«J’haïs les bébés» de François Barcelo

«J’haïs les bébés» de François Barcelo

Cruauté malsaine

Publié le 7 mai 2012 par Éric Dumais

Crédit photo : Coups de tête

L’auteur québécois François Barcelo nous avait fait sourire en 2011 avec la parution de J’haïs le hockey, une comédie noire dans laquelle le protagoniste, Antoine Vachon, se présentait comme le plus grand détesteur de hockey. Dans J’haïs les bébés, deuxième court roman de la série, Viviane Montour-Dubois nous confie son plaisir coupable: la détestation des bébés.

Le talent indéniable de François Barcelo pour la comédie noire, notamment avec le roman Cadavres, qui a été porté à l’écran par Érik Canuel en 2008, lui a valu, entre autres, le mérite d’être le premier Québécois à être publié dans la célèbre Série noire de Gallimard. Chose remarquable, certes, mais il en est tout autrement de J’haïs les bébés.

L’aventure de Viviane, une cinquantenaire partie sur le fly dans une auberge en Gaspésie pour fuir les réunions familiales à la veille de Noël, sans oublier les pleurs de ses petits-enfants dont elle ignore jusqu’au nom et l’âge, est très originale, et c’est ici, d’ailleurs, que réside l’humour noir et salace de François Barcelo. L’auteur n’a eu aucune difficulté à beurrer épais les impulsions incongrues de son protagoniste, qui ne va pas tarder très longtemps avant de se mettre les pieds dans les plats. À l’instar d’Antoine Vachon, qui déteste le hockey et devient, malgré lui, coach d’un jour pour l’équipe de son fils, Viviane goûte elle aussi à la cruauté du destin en découvrant un panier sur le seuil de sa cabane donnant vue sur le Rocher Percé. Et devinez quoi? Elle découvre, à son plus grand désarroi, un jeune bambin tout beau, tout frais, ainsi que trois biberons et quelques couches. Horrifiée, Viviane croit que l’enfant provient de Véronique, sa benjamine droguée jusqu’aux os, qui, dans un excès de confusion indubitable, aurait laissé l’enfant devant sa porte afin de narguer sa vieille mère. La protagoniste, agitée mais cruellement allumée, va néanmoins recueillir l’enfant dans le but évident de mettre fin à ses jours le plus proprement possible.

«Il ne me reste plus qu’à décider comment me débarrasser de ce bébé, bon ou pas bon. Je commence par séparer la tâche en deux. Jusqu’à maintenant, je cherchais en même temps un moyen de le tuer et de me débarrasser de son corps. Je vais plutôt trouver le meilleur moyen de le faire mourir, et ensuite la meilleure façon de faire disparaître son cadavre. Le tuer, d’abord. Je regarde autour de moi. Je ne vois rien d’inspirant. Le tuer à coups de bûche sur la tête? Ça prendrait trop de coups. L’étrangler? Sûrement pas. Je n’en serais pas capable. Je ne suis pas un assassin.»  

François Barcelo a eu une excellente idée en faisant la cour aux bébés qui hurlent dans les avions et qui réussissent à agacer les adultes avec leurs simagrées et leurs multiples crises de larmes. Si la plume incisive de l’auteur était bel et bien au rendez-vous, l’humour n’y était pas totalement. L’idée demeure originale, en raison de sa cruauté malsaine, mais le récit progresse malencontreusement dans une suite de péripéties soporifiques et ennuyeuses qui nous forcent à remettre en question l’intelligence du protagoniste, qui agit comme une adolescente attardée et non comme une adulte de 58 ans. Outre ces légers bémols, qui n’affectent, en somme, qu’une infime partie du récit, force est d’admettre que François Barcelo a néanmoins réussi à conserver la justesse de sa série, qui frôle dangereusement l’humour noir des frères Coen.

 

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