«Contrecoups» de Nathan Filer aux éditions Michel Lafon – Bible urbaine

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«Contrecoups» de Nathan Filer aux éditions Michel Lafon

«Contrecoups» de Nathan Filer aux éditions Michel Lafon

Dans la tête d’un schizophrène

Publié le 28 novembre 2014 par Véronique Tétreault

Crédit photo : Michel Lafon

Matthew avait 9 ans quand son grand frère est mort par accident lors de vacances familiales. Une brèche s’est alors ouverte dans l’esprit de Matthew et sa vie a commencé à dériver. Dix ans plus tard, il souffre de schizophrénie, maladie qui s’est pernicieusement insinuée en lui au fil des ans, et qui continue à s’alimenter du passé trouble du jeune homme.

Avec Contrecoups, Nathan Filer signe un premier roman tout en finesse et nous ouvre le journal d’un schizophrène qui livre ses pensées comme elles lui viennent, sans flafla. Lui-même ayant été infirmier psychiatrique pendant dix ans à Bristol, Filer propose un roman sur le quotidien d’un jeune frappé par la maladie mentale, dans toute sa vacuité et sa redondance. L’auteur n’a d’ailleurs pas peur de faire vivre au lecteur, à grands coups de répétitions, la monotonie qui assomme Matthew jour après jour.

À travers la plume de Filer, on apprend au fil des pages à connaître Matthew, qui finalement ne nous semble pas si différent de nous. On ne démystifie pas exactement la schizophrénie, mais on apprivoise un être que la maladie relègue en marge de la société et on apprend à l’accepter comme il est et à évoluer à ses côtés.

Dans la forme éclectique, les polices qui changent d’un chapitre à l’autre, les changements de tons, de style et les petits croquis qui parsèment les pages, on sent que l’on a un accès privilégié à des pensées qui n’ont pas été tournées et retournées dans la tête du narrateur, mais qu’il couche spontanément sur papier, sans souci d’esthétisme. Et le résultat est paradoxalement d’un esthétisme novateur et efficace.

Les rebondissements sont rares, mais dans son introspection, Matthew se fait quelque peu énigmatique en début de roman, ne tâtant son passé que du bout des doigts. On peut facilement s’arracher à la lecture, mais on y revient tout aussi facilement, mus par le besoin de dépoussiérer le passé du jeune homme en même temps que lui. À partir de demi-mot qui laissent quand même deviner son histoire, Matthew prend le temps d’accepter son passé avant de nous en raconter les détails.

Point de révélation fracassante en fin de roman. Dans le fond, on avait déjà laissé le soin à l’intelligence du lecteur de faire le travail de reconstitution des faits. Si on souhaitait être surpris, on sera déçu. Mais si on s’était attaché à Matthew, on sera heureux qu’il ait fait la paix avec son passé et bouclé la boucle d’un épisode difficile de sa vie.

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