«Chaque automne j’ai envie de mourir» de Véronique Côté et Steve Gagnon: quand le vernaculaire ouvre une fenêtre sur le littéraire – Bible urbaine

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«Chaque automne j’ai envie de mourir» de Véronique Côté et Steve Gagnon: quand le vernaculaire ouvre une fenêtre sur le littéraire

«Chaque automne j’ai envie de mourir» de Véronique Côté et Steve Gagnon: quand le vernaculaire ouvre une fenêtre sur le littéraire

Publié le 22 avril 2012 par Evelyne Ferron

Véronique Côté et Steve Gagnon, tous deux des anciens étudiants du Conservatoire d’art dramatique de Québec, comédiens et auteurs, offrent ici un recueil thématique, un assortiment de secrets. Ce livre de courts textes très variés à la langue colorée et vivante émane du dixième festival du Carrefour international de théâtre, qui avait lieu en mai 2009.

«[..]Je trouve tellement de beauté dans ce qui est là,
je deviens comme soûl de beauté,
mais soûl pas joyeux, j’ai le vin triste,
j’ai le vin de la beauté triste en estie.»

C’est dans le cadre de ce festival que le spectacle déambulatoire Où tu vas quand tu dors en marchant…?, a été présenté la première fois, une expérience interactive qui alliait tableaux théâtraux et découverte de différents secteurs de la ville de Québec. Avec ce trajet, un thème, celui de la nuit, qui permet de rêvasser, de se révéler autrement. Pour nourrir ces tableaux théâtraux, il fallait conséquemment des textes, et Véronique Côté a donc décidé de lancer un appel sur Internet et à Québec afin de recevoir des secrets. Une matière première qu’ils ont par la suite retravaillée.

Chaque automne j’ai envie de mourir, un titre doux et accrocheur, est le recueil de trente-sept de ces secrets, très courts mais néanmoins vivants, où le langage est celui des jeunes adultes, une langue vernaculaire, donc, jouant autant avec les sacres que la poésie. Sous vos yeux, à chaque nouveau texte, le vernaculaire souvent décrié se métamorphose en littérature. Ces secrets sont anonymes, ce qui ajoute à leur aura une touche de mystère, et leur brièveté fait en sorte que ce recueil devient un voyage dans une multitude d’univers. Il était plusieurs fois…

En ce qui a trait au style particulier de l’œuvre, chaque secret est illustré avec un titre différent et très court (Cauchemars, Couteaux, Églises, Modigliani, etc.) et ouvre chaque fois une fenêtre vers des secrets qui laissent transparaître tantôt des fragments de rêves, tantôt de doute, tantôt de mélancolie. Les textes dépassent rarement quatre pages et ces trente-sept secrets n’ont aucun lien entre eux dans la présentation. Il faut par conséquent accepter d’emblée un style «décousu», sans logique apparente entre les confessions (à titre d’exemple, on parle avec émotion du deuil dans «Cauchemars» et de discussions sur la sodomie dans «Complot») et, au bout du compte, le lecteur se retrouve devant un amalgame de réflexions de gens très différents. Ces secrets, que les auteurs ont tenté de regrouper et d’écrire, sont inévitablement inégaux. S’ils sont parvenus à créer un ensemble cohérent du point de vue du style (narratif en langue «parlée»), les contenus sont quant à eux très bigarrés. Certains vous plairont, d’autres vous laisseront plutôt indifférents. Mais c’est peut-être aussi ce qui rend ce recueil intéressant: la diversité des propos et des réflexions, la gamme des sujets et des émotions leur étant inhérentes, la surprise au gré des textes.

C’est le genre de livre qu’on apporte partout avec soi, au cas où nous aurions quelques minutes de libres pour lire. Puis, une phrase nous surprend, comme ça, au tournant d’une page, nous marque, car elle fait écho à quelque chose en nous, ou nous fait tout simplement sourire.

Ce livre n’est pas un roman; il ne présente pas non plus de nouvelles. C’est une porte qu’on ouvre lorsqu’on en a envie et qu’on peut refermer lorsqu’on y est forcé. Il n’y a pas de suite, il n’y a pas de fin. Que des secrets…

Appréciation: ****

Crédit photo: www.septentrion.qc.ca

Écrit par: Evelyne Ferron

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