«Chambres noires» de Nicolas Charette: l’envers du réel – Bible urbaine

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«Chambres noires» de Nicolas Charette: l’envers du réel

«Chambres noires» de Nicolas Charette: l’envers du réel

Publié le 16 octobre 2012 par Éric Dumais

Roman épistolaire au centre duquel l’auteur montréalais Nicolas Charette explore l’envers du réel, Chambres noires est une œuvre d’une lucidité prenante qui nous plonge dans le quotidien trash d’un alcoolique doublé des manies d’un toxicomane pour lequel le quotidien n’est pas une partie de plaisir.

Victor souffre de mille maux. L’alcool est devenu, au fil du temps, un plaisir éphémère qui le force à boire jusqu’à épuisement afin d’étancher une soif aussi creuse qu’un puits sans fond. Le protagoniste fume régulièrement de la marijuana et du crack achetés près au parc Émilie-Gamelin, ghetto du centre-ville de Montréal, pour satisfaire son désir de sombrer dans un univers artificiel où Nina, son ex-copine envolée en Allemagne, n’est pas. Cette dernière est la destinataire de ces lettres qui occupent la majeure partie de son temps (et de ses pensées) lorsqu’il a un court instant de lucidité. Car à travers cet échange épistolaire, Victor semble à deux doigts d’amasser tous les morceaux épars du casse-tête qu’est devenue sa vie mais, trop impulsif, trop dépendant, il n’arrive qu’à s’enfoncer dans une réalité qui ressemble en tout point à l’envers du réel, sans réussir à récupérer l’objet de son désir qu’est Nina.

À travers ce roman où l’auteur nous force à découvrir un jeune homme aux abois, le lecteur se retrouve comme emporté par une vague déferlante d’émotions à travers lesquelles la vie semble projetée à travers les lentilles de ses Leica et où l’univers de faux-semblants qu’est sa réalité est la chambre noire qui sert de lieu à son inconscient torturé. Victor nous force à voir Montréal sous la loupe d’un gars désabusé qui n’a au fond qu’une seule envie: se défoncer la cervelle avec un pistolet, à savoir celui qu’il garde soigneusement dans son appartement. Ainsi, Nina, qui semble à des années-lumière de sa nouvelle existence artificielle, a été remplacée par ce pistolet devenu son nouvel objet de désir. Ici, le protagoniste ressemble à celui d’Hubert Selby Jr. dans son roman Waiting Period, puisque ce dernier passe la majeure partie de son temps à jongler avec l’idée de se suicider. Ce roman, qui reflète le mal-être qui occupe les gens rongés par la dépression, est une œuvre qui fait certainement écho à celle de Nicolas Charette, lequel nous donne à lire un livre cru et dur, dont le propos vous fera certainement cligner de l’œil, un peu comme si vous aviez passé l’après-midi complet dans une chambre noire à développer des photographies.

Appréciation: ****

Crédit photo: Éditions du Boréal

Écrit par: Éric Dumais

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