«Chambre 426» de Madeleine Robitaille – Bible urbaine

LittératurePolars et romans policiers

«Chambre 426» de Madeleine Robitaille

«Chambre 426» de Madeleine Robitaille

Sombrer dans la folie

Publié le 19 mars 2012 par Éric Dumais

Crédit photo : Andréanne Varennes

Celle qu’on surnomme la Stephen King du Québec n’a pas enfilé de gants blancs lors de la rédaction de son roman Chambre 426, un récit campé entre les murs blanc crème des instituts psychiatriques Notre-Dame de la Croix et Philippe-Pinel, à Montréal.

Après les thrillers d’épouvante Le quartier des oubliés (2006), Les orphelins du lac (2008) et Dans l’ombre de Clarisse (2009) parus aux Éditions de Mortagne, Madeleine Robitaille, avec Chambre 426, convie ses lecteurs à l’exploration des couloirs sinistres des hôpitaux psychiatriques, où traînent de nombreux patients profondément atteints de schizophrénie, psychose, troubles affectifs et délires religieux. L’ambiance glauque du récit s’apparente à celle du film Gothika de Mathieu Kassovitz, dans lequel Halle Berry interprétait le rôle d’une psychiatre enfermée soit-disant par erreur dans un asile d’aliénés.

Avide d’écriture et de psychologie, l’auteure, native de Mont-Laurier, partage son temps entre sa carrière de secrétaire juridique et son travail à la ferme familiale. Autrement, Madeleine Robitaille invente des personnages complexes qu’elle se plaît à mettre en scène comme des souris de laboratoire, dans des récits tordus où le thriller psychologique côtoie le roman d’horreur, à l’instar de nos contemporains et grands maîtres du genre, Patrick Senécal et Stephen King.

La chambre 426A est le lieu où réside temporairement Brigitte Tremblay, mère monoparentale extrêmement pieuse, internée à la suite d’un passé sombre parsemé de dépressions majeures et de délires religieux. Annabelle, sa fille, vient la visiter quotidiennement, comme si elle se faisait un devoir d’être aux côtés d’une mère avec laquelle elle a entretenu, naguère et jusqu’à aujourd’hui, une relation vide de sens et d’amour. Partagée entre son métier de traductrice et ses allées et venues entre la maison familiale et l’hôpital, Annabelle espère ardemment revoir un jour sa mère. Déjà qu’elle a perdu, jadis, son jeune frère Jérémie, mort prématurément des suites d’un terrible accident ainsi que sa sœur jumelle, Anna, disparue à l’aube de ses onze ans sans laisser de traces. La fête d’Halloween approche à grands pas et de nombreux patients semblent anxieux, craintifs, comme s’ils présageaient le pire. Et Brigitte, cloîtrée entre l’état catatonique et la déraison, fait de nombreuses crises à travers lesquelles elle évoque l’âme et Satan. Annabelle aura-t-elle la chance de revoir, un jour, une parcelle de lucidité à travers le regard éteint de sa pauvre mère? Et tous ces évènements étranges qui surviennent dans son quotidien, comment s’expliquent-ils? Serait-elle, à l’instar de Brigitte, en train de perdre elle aussi la raison?

Chambre 426 est un roman à sensations fortes destinés autant aux adolescents qu’aux adultes avertis. À l’instar du terrifiant Sur le seuil de Patrick Senécal, ce quatrième opus de Madeleine Robitaille s’attarde lui aussi au désordre intérieur qui habite les personnages, tous aux prises avec leurs démons, plutôt qu’à un bain de sang digne des films gore de Sam Raimi et Bruce Campbell. Ici, le protagoniste est une jeune femme de nature fragile et sensible qui ne possède aucun ancrage dans la réalité. La narration à la troisième personne décuple cette impression d’éloignement et d’inconfort, comme si Annabelle n’avait aucune prise sur son destin, et ce, à court et à moyen terme. Chambre 426 est un récit poignant et bouleversant, au sein duquel la pauvre Annabelle est rudement mise à l’épreuve dans une suite d’évènements où toute personne sensée aurait perdu sans aucun doute la raison.

Si les superstitions, les délires, les diagnostics cliniques, les instituts psychiatriques et les maladies mentales sont votre tasse de thé, il ne fait aucun doute que le dernier-né de Madeleine Robitaille vous empêchera de dormir une nuit, peut-être même deux.

«Chambre 426» 
Éditions de Mortagne
384 pages
24,95 $

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