«Ça ira» d’Annie Loiselle – Bible urbaine

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«Ça ira» d’Annie Loiselle

«Ça ira» d’Annie Loiselle

Des personnages plus grands que nature

Publié le 21 octobre 2013 par Éric Dumais

Crédit photo : Stanké

Après Tout ce que j’aurais voulu te dire (Stanké, 2013), Annie Loiselle revient secouer nos cœurs fragiles avec Ça ira, un second roman tout aussi bouleversant au centre duquel on retrouve à nouveau les thèmes de l’amour et des relations humaines, avec cette fois-ci comme point focal l’anorexie, maladie dont souffre le personnage central de l’histoire.

«On ne met pas au monde un enfant au monde pour le voir mourir. C’est contre-nature».

Zoé, 17 ans, maigre jusqu’au bout des ongles, rentre de toute urgence à l’hôpital sous l’œil alarmé de sa pauvre mère Juliette qui ne s’était pas rendu compte de la progression de la maladie de sa fille unique. Trop obnubilée par sa relation au point mort avec Léonard, le père de Zoé, Juliette vivait jusqu’ici dans un brouillard dense et opaque qui l’avait empêchée de voir jusqu’au bout des choses. Prise dans le tourbillon du quotidien, Juliette n’avait même pas remarqué à quel point sa fille fondait de jour en jour, jusqu’à ne ressembler qu’à un malheureux squelette sur pattes.

L’infirmière au chevet de Zoé, la gentille et douce Béatrice, semble à première vue l’aide-soignante idéale pour venir en aide à cette jeune adolescente désemparée et souffrante. Mais Béa, comme la surnomme affectueusement Jean-François, vit elle aussi son lot de souffrances au quotidien. Son mari, bien qu’attentionné, l’a cocufiée à de nombreuses reprises et ne se rend pas compte que cet amour divisé lui ronge les sangs lorsqu’elle est seule à la maison. Pour sa part, Jean-François est tout à fait conscient que son couple bat de l’aile, mais il est tellement obnubilé par le corps des belles femmes, en l’occurrence celui d’Élyse la meilleure amie de Béatrice, qu’il va bientôt rencontrer un sérieux cul-de-sac dans sa vie amoureuse.

Le roman Ça ira d’Annie Loiselle met en scène des personnages qui se retrouvent tous au fond du baril et qui vont devoir agir et vite s’ils veulent remonter à la surface pour respirer un bon coup, les poumons hurlants de rage. La force de l’auteur a été de placer le personnage de Zoé au centre de cette mise en scène où le désespoir a depuis longtemps terrassé le bonheur. Autour de Zoé se vit donc les drames de Béatrice et Jean-François, Juliette et Léonard, deux couples qui vont devoir réfléchir un bon coup sur leur situation actuelle et sur les fondements de leur amour afin d’adopter un chemin sûr vers le bonheur, et ce, au prix de durs déchirements.

Ça ira est un de ces rares romans qui élèvent aussi haut le lecteur au rang de spectateur omniscient, lui permettant ainsi d’assister, comme au théâtre, aux drames humains qui se profilent devant ses yeux. Annie Loiselle, avec une plume toujours aussi terre-à-terre et percutante à la fois, nous offre un accès direct aux consciences blessées de ses personnages, avec toujours cette touche d’humanité et de sensibilité qui va de pair avec les drames autobiographiques. L’auteure a elle même souffert d’anorexie il y a plusieurs années et cette maladie n’a pas seulement inspiré l’écriture de ce second roman, mais aussi un essai intitulé Les affamées – regards sur l’anorexie (Éditions de l’Homme, 2003).

Ça ira est un roman coup de poing qui fait parfois mal à l’âme, mais comme son titre l’indique, il y a toujours une promesse de bonheur cachée non loin. Il suffit simplement d’ouvrir grands les yeux, de tendre la main et de l’attraper au vol.

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