LittératureRomans québécois
Denise Boucher a attendu d’avoir 75 ans avant de publier son premier roman. Cette dramaturge, poétesse, auteure de chansons et femme de paroles a longtemps aiguisé son regard face aux injustices. Avec Au beau milieu, la fin, l’auteure s’attaque à la vieillesse, un sujet qui la préoccupe depuis longtemps.
«La fonction du poète est de dire cette révolte», affirme-t-elle dans une entrevue accordée par le quotidien La Presse lorsqu’elle parle de l’emprise des banques sur l’État ou des pertes historiques de 40 milliards de dollars dans la caisse de dépôt en 2008. Femme impliquée socialement et politiquement, Denise Boucher déplore également le sort réservé à la vieillesse, ces francs travailleurs qui ont travaillé toute une vie durant, ont placé consciemment des REER pour s’assurer une retraite convenable et qui se retrouvent, âgés et dépités, les mains presque vides. C’est en quelque sorte pour dénoncer cette injustice sociale que Denise Boucher a décidé de mettre la main à la pâte et d’écrire un roman au centre duquel se retrouve la narratrice Adèle, une vieille femme en colère et indignée, surtout par la vieillesse, dont elle ressent les symptômes plus que jamais.
«Une toile d’araignée s’est tissée densément autour de ma bonne vieille énergie et a commencé à m’étrangler.» – Adèle
Au beau milieu, la fin, c’est le récit d’Adèle, une octogénaire dotée d’une grande lucidité, qui retrouve son appartement saccagé par la famille française à qui elle l’avait sous-loué lors d’un long voyage en Italie avec son mari, Zut. Révoltée devant autant de désordre, Adèle entreprend les démarches habituelles auprès de la police et de ses assureurs, mais rapidement l’incompétence des agents de la paix et la lenteur des démarches l’emprisonnent dans une hargne incontrôlable: «J’ai laissé tomber en maudissant mon innocence, ma vieillesse, la sagesse recommandée par tous et j’ai goûté à l’amertume», déplore-t-elle au début du récit.
Déjà fatiguée, épuisée, vieillie, Adèle se lance dans une longue correspondance avec son amie Brigitte afin de remettre les pendules à l’heure. Grâce au récit épistolaire, le lecteur peut facilement comprendre, par la confession, les états d’âme, les émotions, les terreurs et les colères de la vieille dame. Chaque chapitre est ponctué de signatures personnalisées, Adèle la liseuse, Adèle l’éplorée, Adèle l’insoumise, Adèle sans un chat ou Adèle la fumeuse, qui résument succinctement les écrits de la narratrices. Si le ton du roman est parfois lourd, englué par la peur de vieillir de la narratrice, ainsi que par la lourdeur de la plume de Denise Boucher, reste que la pensée d’Adèle possède cette douce poésie de l’âme qui vous forcera à sourire à certains moments de votre lecture.
Adèle, c’est une force incarnée, une longue-vue de l’âme, mais surtout une octogénaire à qui nous risquons de ressembler, inévitablement, dans nos vieux jours. Si la vie n’est pas toujours rose et que la vieillesse gagne vite du terrain, au moins la lucidité, elle, nous accompagnera fidèlement bras dessus, bras dessous jusqu’à notre dernier repos.
«Au beau milieu, la fin»
Éditions Leméac
156 pages
Appréciation: ***
Crédit photo: Leméac Éditeur
Écrit par: Éric Dumais