Littérature
Après avoir remporté en 2008 le Prix de la fondation franco-ontarienne pour son livre jeunesse La couleur des voyages (aux Éditions du Vermillon), Marie-Andrée Donovan nous revient cette année avec À l’ombre du silence, un récit délicatement narré sur les chemins parfois difficiles de l’enfance.
À l’ombre du silence est un court récit de reconstruction identitaire et d’émancipation, qui démarre durement, au cœur d’une enfance ébréchée, recroquevillée dans le silence: «Je suis venue au monde alors que la famille était finie depuis sept ans. Ce fut le choc, la déception, l’indignation. Je crois que je suis arrivée à un mauvais moment.» La sécheresse et l’aridité des liens familiaux, l’oppression et l’usure sont autant de coups et de blessures quotidiennes contribuant au repli sur soi du personnage-narrateur. Emmurée dans son mutisme, l’enfant n’exprime toutefois pas une résignation docile, mais bien un désir de résistance: «Dans le silence, je leur échappais.»
Cette histoire intérieure en trois temps est un passage vers une vie adulte éclose et riche. Un passage vers ce que certains appellent «liberté». Il y a cependant un prix à payer pour parvenir à cette ouverture au monde, à l’harmonie et la légèreté tant espérées. Ce que la fille maintenant femme et mère doit risquer pour se réapproprier sa véritable identité et pour ainsi accéder au bonheur tient en deux transgressions: d’abord, elle change de nom, littéralement, heurtant les liens familiaux. Elle peut donc poursuivre sa route en laissant derrière elle noirceur et silence, et ouvrir un livre nouveau écrit de sa main, avec ses mots, son souffle, sa parole.
La seconde transgression réside dans l’acte d’écriture lui-même et la publication: «Puisque dans la famille, on craignait beaucoup ce qui était dit et encore plus ce qui était écrit, j’allais au-delà de l’audace. C’était de l’effronterie, de la trahison. J’étais persuadée que cette fois-ci, on me renierait comme enfant.» Voilà l’exact prix du bonheur, ce qu’il faut briser pour être soi.
Écrit dans un style épuré dont la lecture se révèle fort agréable, À l’ombre du silence est un récit intimiste et ciselé questionnant nos motivations profondes, ce qui nous pousse à déchirer notre carapace et nous affranchir du passé. Vous aimerez si vous appréciez une écriture sans fioritures, qui va droit au but. Adeptes de Proust et d’un style riche au possible, ce petit livre n’est pas pour vous!
À l’ombre du silence est suivi, dans cette présente édition, du récit Les soleils incendiés (publié en 2004 aux Éditions David et récipiendaire des Prix Émile-Ollivier 2006, Prix Champlain 2006 et Prix des lecteurs Radio-Canada 2005), où l’auteure explore la mémoire perdue de l’enfance, à travers les personnages touchants de Caroline et d’Emmett. À découvrir!
Appréciation: ****
Crédit photo: Éditions David
Écrit par: Annie Lafrenière