«40 ans de souvenirs»: le Salon du livre de Montréal raconté par Isabelle Jubinville – Bible urbaine

Littérature

«40 ans de souvenirs»: le Salon du livre de Montréal raconté par Isabelle Jubinville

«40 ans de souvenirs»: le Salon du livre de Montréal raconté par Isabelle Jubinville

«La» petite fille qui aimait trop les allumettes

Publié le 20 novembre 2017 par Elise Lagacé

Crédit photo : Gracieuseté Isabelle Jubinville

Il règne dans les salons du livre une énergie particulière. Depuis dix jours, Bible urbaine vous a présenté les souvenirs de ceux qui arpentent les tapis rouges du Salon du livre de Montréal depuis 40 ans. Habitués de ces lieux éphémères, ils vous le diront, faire le salon est une expérience unique et un plaisir sans cesse renouvelé. Chacun a sa personnalité, et la monotonie ne peut y avoir prise: l’espace circulaire façon piste de course du jouissif Salon du livre de Trois-Rivières ou la vue plongeante sur Saint-Roch et les éternels grands vents d’avril de Québec… De son côté, le Salon du livre de Montréal vous happe immanquablement par son effervescence alors que l’on entre sous terre. Il s’y passe des chassés-croisés littéraires mémorables et de ces rencontres qui ont ce je-ne-sais-quoi de mystique. De mythique, aussi. Il n’est pas surprenant que le temps s’y arrête. Isabelle Jubinville, ancienne compagne de Gaétan Soucy, nous a offert, en conclusion de cette série spéciale, une réminiscence tirée de ses souvenirs à elle et qui en fait la preuve.

Un samedi après-midi de novembre 1997, comme tous les ans depuis que j’ai des souvenirs, je traverse les portes du Salon du livre de Montréal, certaine d’en ressortir le sac plein de découvertes.

Et là, devant le stand de Boréal, je le vois. C’est bien lui, son beau visage pareil à l’affiche, seul devant une pile d’Aquittement, qui lit.

Je tourne en rond quelques minutes, puis avec un courage que je ne me connais pas, je lui lance: «Monsieur, vous êtes mon écrivain préféré!»

Alors, simplement, il tire une chaise près de la sienne.

Bien entourés d’eux et sans préambule, nous parlons alors de livres. Nous le faisons durant longtemps, car lorsque je quitte la Place Bonaventure, il fait noir.

Ma tête tourne: il a dit que nous nous reverrions, qu’une longue amitié naîtra de cette rencontre.

En marchant, j’entends ses mots, sa promesse de me téléphoner bientôt; le décor défile toujours: les escaliers, le tapis rouge, les stands, les livres.

Cinq mois plus tard, il composera devant moi La petite fille qui aimait trop les allumettes, lettre d’amour, écrira-il le 27 novembre 1998 dans son tout premier exemplaire qui m’appartient «de bout en bout».

C’est encore devant moi qu’il écrira Catoblépas et L’angoisse du héron, qu’il finira Music Hall!, commencé des années plus tôt.

Puis, nous nous séparerons, et c’est en toute amitié que nous poursuivrons les discussions commencées ce jour de novembre 1997, discussions qui resteront tristement inachevées trois jours avant sa mort.

Aujourd’hui, il m’arrive de retourner sur les lieux de notre rencontre; je pense alors que si je n’avais pas été au Salon ce jour d’il y a vingt ans, je n’aurais jamais vu passer cette flamboyante étoile.

*******

Tel que raconté par Gaétan Soucy, dans le numéro 97, printemps 2000, de la revue Lettres québécoises:

«Novembre: à la faveur du Salon du livre de Montréal, une apparition se présente à lui, tout amochée encore de la fulgurance de son enfance, sous la forme d’une splendide et définitive jeune femme qui connaît par cœur ce qu’il a publié jusqu’alors. Comme elle s’appelle Isabelle, il la baptise immédiatement Zaza.

1998-1999: La petite fille qui aimait trop les allumettes, inspiré d’elle et écrit en quelques semaines, dans un état de lévitation tel qu’on n’en connaît pas deux dans sa vie, hélas! et il le sait. Ce bouquin, contre toute attente, lui vaudra cette épreuve: la gloire, puis, après un pas- sage dévastateur à Paris, dévastateur pour lui, cette calamité (quoique relative puisque littéraire): la célébrité. Tente tant bien que mal de s’en remettre depuis.»

L'événement en photos

Par Gracieuseté Isabelle Jubinville

  • «40 ans de souvenirs»: le Salon du livre de Montréal raconté par Isabelle Jubinville
  • «40 ans de souvenirs»: le Salon du livre de Montréal raconté par Isabelle Jubinville
    Tiré de la revue Lettres québécoises, numéro 97, printemps 2000, p.11
  • «40 ans de souvenirs»: le Salon du livre de Montréal raconté par Isabelle Jubinville
    Tiré de la revue Lettres québécoises, numéro 97, printemps 2000, p.12

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