Littérature
Crédit photo : Gracieuseté Isabelle Jubinville
Un samedi après-midi de novembre 1997, comme tous les ans depuis que j’ai des souvenirs, je traverse les portes du Salon du livre de Montréal, certaine d’en ressortir le sac plein de découvertes.
Et là, devant le stand de Boréal, je le vois. C’est bien lui, son beau visage pareil à l’affiche, seul devant une pile d’Aquittement, qui lit.
Je tourne en rond quelques minutes, puis avec un courage que je ne me connais pas, je lui lance: «Monsieur, vous êtes mon écrivain préféré!»
Alors, simplement, il tire une chaise près de la sienne.
Bien entourés d’eux et sans préambule, nous parlons alors de livres. Nous le faisons durant longtemps, car lorsque je quitte la Place Bonaventure, il fait noir.
Ma tête tourne: il a dit que nous nous reverrions, qu’une longue amitié naîtra de cette rencontre.
En marchant, j’entends ses mots, sa promesse de me téléphoner bientôt; le décor défile toujours: les escaliers, le tapis rouge, les stands, les livres.
Cinq mois plus tard, il composera devant moi La petite fille qui aimait trop les allumettes, lettre d’amour, écrira-il le 27 novembre 1998 dans son tout premier exemplaire qui m’appartient «de bout en bout».
C’est encore devant moi qu’il écrira Catoblépas et L’angoisse du héron, qu’il finira Music Hall!, commencé des années plus tôt.
Puis, nous nous séparerons, et c’est en toute amitié que nous poursuivrons les discussions commencées ce jour de novembre 1997, discussions qui resteront tristement inachevées trois jours avant sa mort.
Aujourd’hui, il m’arrive de retourner sur les lieux de notre rencontre; je pense alors que si je n’avais pas été au Salon ce jour d’il y a vingt ans, je n’aurais jamais vu passer cette flamboyante étoile.
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Tel que raconté par Gaétan Soucy, dans le numéro 97, printemps 2000, de la revue Lettres québécoises:
«Novembre: à la faveur du Salon du livre de Montréal, une apparition se présente à lui, tout amochée encore de la fulgurance de son enfance, sous la forme d’une splendide et définitive jeune femme qui connaît par cœur ce qu’il a publié jusqu’alors. Comme elle s’appelle Isabelle, il la baptise immédiatement Zaza.
1998-1999: La petite fille qui aimait trop les allumettes, inspiré d’elle et écrit en quelques semaines, dans un état de lévitation tel qu’on n’en connaît pas deux dans sa vie, hélas! et il le sait. Ce bouquin, contre toute attente, lui vaudra cette épreuve: la gloire, puis, après un pas- sage dévastateur à Paris, dévastateur pour lui, cette calamité (quoique relative puisque littéraire): la célébrité. Tente tant bien que mal de s’en remettre depuis.»
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Par Gracieuseté Isabelle Jubinville