«15 minutes» de Patrick Senécal

Johnny Net travaille au premier étage de L’Orphéon, un édifice à bureaux de cinq étages dont chacun est peuplé de personnages attachants et loufoques. Son business, pour le moins douteux, attire les louanges de l’un et les foudres de l’autre, car cet hurluberlu est loin de faire l’unanimité. À la manière d’un psy à cinq sous, Johnny Net décèle, par le biais de questions tantôt saugrenues, tantôt impertinentes, les forces et faiblesses de ses clients et leur promet, suite à une analyse tout aussi bidon, la schématisation d’une idée (de génie) les deux jours suivants leur rendez-vous. Et le pire, c’est qu’il a un taux de satisfaction de 90%!

Un jour, Johnny Net reçoit dans son cabinet la visite impromptue de l’Intelligence, laquelle se présente sous les traits d’un androgyne, lequel a  en tête un projet qui va changer le cours de sa vie: ce dernier souhaite que la star réalise une vidéo où il (l’Intelligence) retrouverait ses lettres de noblesse. Avec une promesse de 10 000 $ en échange, somme qui serait doublée s’il réussissait son défi, Johnny, en bon capitaliste endurci, accepte sur-le-champ. Mais, qui aurait cru que mettre en images l’intelligence en 2013 n’était pas chose facile? Johnny Net, assurément!

Patrick Senécal renoue, grâce à ce beau projet qu’est L’Orphéon, avec l’humour sarcastique qui lui a valu un franc succès dès la parution de Malphas – 1. Le cas des casiers carnassiers, un roman noir et comique qui a donné le ton à une suite très convaincante, Malphas – 2.  Torture, luxure et lecture, tous deux parus aux éditions Alire. Avec 15 minutes, l’écrivain et enseignant de littérature au collégial essaie de ridiculiser par le biais d’un conte loufoque les clips insipides qui courent sur la toile et en particulier sur YouTube, rendant, du coup, populaires leurs créateurs.

Sans être le meilleur récit de Senécal, car n’oublions pas qu’il excelle davantage avec l’horreur extrême que l’humour soft, 15 minutes s’avère néanmoins un conte allégorique léger et ludique qui nous fait découvrir une seconde facette de l’écrivain. La génération techno se sentira en terrain connu lorsqu’il dénonce les téléréalités et les niaiseries que l’on retrouve sur YouTube, (ces «stars de l’insignifiance» comme se plaît à les appeler la journaliste Rima Elkouri dans La Presse, en référence aux deux gagnants d’Occupation double), alors que les baby-boomers ressentiront peut-être un petit pincement au cœur lorsqu’il se permet de rire (un peu) de la populaire émission Star Académie.

Johnny Net, en bon crosseur qu’il est, réussira-t-il à faire fureur sur le Web avec une vidéo mettant en scène l’Intelligence? Est-ce que les critiques de cinéma en soutien-gorge et les nains, façon Clint Eastwood, sont déjà chose du passé? Va savoir…!

Dans la même série:

• Stéphane Dompierre, Corax

• Roxanne Bouchard, Crématorium Circus

• Geneviève Janelle, Odorama

• Véronique Marcotte, Coïts