CinémaZoom sur un classique
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Il était une fois dans l’Ouest: l’ouverture
Trois hommes – envoyés par Frank – arrivent à une station de train. Sans dire un mot, ils font fuir l’agent ferroviaire et une femme avec leurs airs lourds et leurs regards menaçants. Ils se détendent, attendant quelque chose (ou quelqu’un…) Puis un train arrive, ils se lèvent, posent leurs mains sur leurs gâchettes et se préparent à tirer.
Cette longue scène d’ouverture (un bon treize minutes!), qui fut analysée des centaines de fois par des cinéphiles, chercheurs et théoriciens, en dit long sur les deux heures et quarante-cinq minutes du long-métrage. Le son, le cadrage, la lumière, le hors-champ, le décor (qui tient à peine) et même la mouche sont des éléments de la mise en scène réfléchis afin de créer une montée, voire une attente pour la suite. Celle-ci ne nous déçoit pas: Charles Bronson, armé de son harmonica (et la magnifique chanson thème d’Ennio Morricone) apparaît derrière le train. Au son de sa musique, les trois hommes se tournent, s’échangent quelques répliques mythiques, et le duel peut commencer.
Qui est cet homme à l’harmonica interprété par Bronson? Personne ne le sait, et c’est un mystère qui demeurera présent jusqu’à la toute fin du récit. Il possède cependant un rôle très important aux côtés de Cheyenne (Jason Robards) et Jill (Claudia Cardinale). Cette dernière hérite d’un terrain, laissé par son défunt mari lorsque celui-ci a été tué par Frank. Ce dernier voulait récupérer cette terre au nom de son patron, car un chemin de fer est en construction et il savait que ce lieu était primordial et pourrait faire naître une ville. Harmonica et Cheyenne aident Jill à se défendre contre Frank. Une amitié se lie entre ces trois protagonistes qui désirent tous la mort de l’homme aux yeux bleus perçants.
Le récit est construit de manière très détaillée, divulguant certains détails décisifs à des moments bien précis. Les personnages, ainsi que leurs origines respectives, se font découvrir tranquillement et causent parfois une surprise chez le spectateur. Le scénario, écrit par Sergio Leone, mais aussi par Dario Argento et Bernardo Bertolucci (deux grands cinéastes italiens), ne laisse aucun élément au hasard. Il y a aussi plusieurs rebondissements, et cela fait du bien, car même si le rythme de l’œuvre est assez lent, le spectateur reste à l’écoute et aux aguets à tous les petits détails disséminés çà et là.
Il est impossible de parler de ce long-métrage sans mentionner la musique. Que dire du grand Ennio Morricone, qui vient non seulement prouver son talent de compositeur (encore une fois!), mais qui vient aussi donner un trait de caractère aux personnages principaux de l’œuvre, leur assignant une chanson thème distincte à chacun.
Les frissons me parcourent le corps rien qu’à penser à la première fois où Charles Bronson joue avec son harmonica dans la scène décrite plus haut. Ou lorsque Cheyenne approche une lampe à l’huile pour découvrir le visage d’Harmonica, ou encore lors de la première fois où Claudia Cardinale apparaît et sa musique l’accompagnant lorsqu’elle cherche son mari (qui ne viendra jamais…)
Ce ne sont pas de simples chansons qui viennent mettre une ambiance; elles viennent vivre avec les personnages, reflétant leurs pensées et leurs états d’esprit. L’acolyte musical fétiche de Leone vient nous chercher droit au cœur.
L’essoufflement et le renouveau d’un genre
C’est à John Ford et à John Wayne que l’on doit l’âge d’or du western classique américain. Après des dizaines de films, le genre s’est peu à peu essoufflé vers les années 50. Les films étaient connus pour mettre en scène des thèmes récurrents dans tous les films, comme la conquête de l’Ouest (et les fameuses constructions de chemins de fer), la guerre contre les Indiens et les histoires de vengeance, par exemple.
Avec l’arrivée de Sergio Leone vient un sous-genre du western: le western spaghetti. L’Italien s’approprie les paysages de la Monument Valley, déjà bien remplis de codes et de souvenirs, et réussit à y mettre sa touche bien personnelle. Les thèmes sont quelque peu différents, mais l’aspect de conquête de nouveaux territoires est bel et bien présent, surtout dans Il était une fois dans l’Ouest.
L’accent est beaucoup moins mis sur la guerre entre les Américains et les Indiens, mais plus sur les personnages et la complexité du récit, qui propose, bien souvent, un lien avec le territoire et la conquête de l’Ouest.
La légende
Sergio Leone possède une force remarquable dans tout ce qui passe au niveau de la mise en scène. Il y a tellement de non-dits, qui, en fait, veulent dire tellement de choses! C’est un paradoxe magnifique qui ajoute une profondeur unique à une œuvre. Si sa trilogie du dollar (Pour quelques dollars de plus, Pour une poignée de dollars et Le Bon, la Brute et le Truand) était beaucoup plus rythmée, Il était une fois dans l’Ouest agit en douceur, laissant le temps aux spectateurs de s’approprier les lieux et de comprendre les personnages de fond en comble. Bien sûr, comme dans tout bon western il y a des moments d’action et des duels, et ces scènes sont très poignantes.
Je l’avoue moi-même, après avoir été traumatisée par la scène finale à l’âge de mes six ans, lorsque mon père m’a fortement conseillé de le revoir à ses côtés, quelques années plus tard, j’ai plus ou moins apprécié. J’étais jeune! Puis récemment, j’ai dû le visionner à nouveau et cela m’a ouvert les yeux sur une production spectaculaire à tous les niveaux.
C’est une œuvre qui est aussi attachante que ses personnages. Chaque visionnement nous fait remarquer quelque chose de nouveau. La présence d’un simple détail et les fabuleuses répliques font sourire tous les amoureux du septième art qui portent Leone dans leurs cœurs.
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«Il était une fois dans l'Ouest» en 9 photos
Par www.rogerebert.com