CinémaZoom sur un classique
Crédit photo : Images tirées de l'oeuvre «Chungking Express» de Wong Kar-wai (SNAP/REX/Shutterstock)
Une oeuvre chorale aux détails subtils
Le point de départ de l’œuvre? C’est l’histoire sentimentale qui unit deux policiers de Hong Kong, surnommés policiers numéro 663 (Tony Leung) et 223 (Takeshi Kaneshiro). Ces derniers peinent tous deux à se remettre d’une récente rupture.
Le premier, le policier 663, s’est fait larguer par une agente de bord. Il finit par rencontrer la colorée Faye (interprétée par Faye Wong, elle-même chanteuse), qui travaille dans un petit restaurant où il vient souvent manger. Celle-ci s’attache rapidement à lui et tentera par tous les moyens de lui redonner le sourire. Le second, le numéro 223, tombe sous le charme d’une contrebandière à la perruque blonde (Brigitte Lin), qui tente de fuir et de survivre à cette vie…
À quelques moments, le film choral se permet certains clins d’œil entre les deux histoires. Par exemple, lors de la première apparition de Faye à l’écran, c’est le policier 223 qui se permet une petite intrusion dans le récit de Faye et du policier 663. Les cinéphiles qui sont fins observateurs remarqueront la présence «cachée » des différents personnages et s’amuseront à reconstituer chronologiquement les accrochages entre les deux récits.
Les deux histoires, bien qu’elles aient la même idée de départ, s’avèrent pourtant très différentes à de nombreux points de vue. Ce qui caractérise principalement les deux tons distincts des deux histoires c’est sans aucun doute tous les personnages qui habitent chacune d’entre elles. Le policier numéro 223 vit une rupture assez difficile, et il se permet de déprimer pendant un mois avant de passer à autre chose. Sa recette pour survivre à ce mois? Manger une tonne d’ananas en conserves. Celui qui est joué par Tony Leung, l’acteur fétiche du cinéaste, vit une situation plus loufoque avec Faye et ses petits gestes attentionnés (par exemple, elle se permet de s’introduire dans son domicile, à son insu, pour y faire le ménage…) Ce sont justement ces contrastes entre les différents personnages qui font sourire.
La plume du grand cinéaste chinois est tout de même reconnaissable. Autant au niveau de l’esthétique visuelle, que les protagonistes et leurs dénouements respectifs. L’image est toujours soigneusement cadrée; l’importance de la bande sonore se fait sentir, et les leitmotivs musicaux propres à Kar-wai sont toujours présents. La liberté (thématique et visuelle) et l’indépendance cinématographique du cinéaste se font sentir. Et dans un pays où tout est contrôlé, ça fait du bien de découvrir des talents qui réussissent à se sortir de cette emprise.
California Dreaming
La trame sonore est un réel leitmotiv. Faye, qui travaille dans le petit restaurant où les policiers viennent manger, écoute toujours la même chanson: «California Dreaming» de The Mamas and the Papas. Chanson qui évoque à la fois un sentiment de grande liberté, le soleil californien et des paysages de toute beauté, à l’opposé de la ville surpeuplée et maussade qu’est Hong Kong.
La chanson réussit à donner un ton léger à l’œuvre et contribue à la création d’un rythme unique. Elle caractérise aussi fortement le personnage de Faye, qui semble très gênée et maladroite au premier abord, mais qui démontrera, plus tard, qu’il émane d’elle une grande profondeur, qu’elle est réfléchie et qu’elle désire vivre ses rêves jusqu’au bout.
Un cinéaste chinois hors de l’ordinaire
Wong Kar-wai est incontestablement l’un des cinéastes les plus appréciés par les cinéphiles, et même par ceux de la nouvelle génération. La majorité de ses œuvres parlent d’amour (souvent impossible, ou difficile, du moins), et plusieurs comprennent les situations dans lesquelles se retrouvent les protagonistes. Chacun sait reconnaître ces traitements très sensibles sur l’amour et sur ses conséquences.
Le travail effectué au niveau de l’esthétique et du scénario est pour le moins unique. Et d’ailleurs, Kar-wai collabore régulièrement avec les mêmes acteurs et professionnels du milieu. Son plus grand acolyte est Christopher Doyle, son directeur de la photographie, et ce, pour plusieurs de ses œuvres. William Chang, son directeur artistique, est aussi un membre de l’équipe de production qui se retrouve souvent à ses côtés.
Le cinéaste chinois sait s’entourer d’une équipe qui lui est fidèle et en laquelle il possède une confiance aveugle. Ses acteurs reviennent très souvent dans ses autres œuvres, et d’ailleurs, Tony Leung (le policier numéro 663), joue dans six de ses dix films. Pour la petite anecdote: Kar-wai en dit très peu aux acteurs par rapport à leurs personnages respectifs. C’était le cas pour In the Mood for Love, où Maggie Cheung et Tony Leung savaient à peine les noms et prénoms de leurs personnages!
Le travail effectué par Wong Kar-wai au niveau de la direction d’acteurs est unique et le rendu demeure toujours spectaculaire. Il réserve constamment de petites surprises aux spectateurs, qu’elles soient visuelles, sonores ou tout simplement scénaristiques. Wong Kar-wai maîtrise son art avec une sensibilité qui lui est propre, et ce, toujours avec originalité.
Nous attendons avec grande impatience sa prochaine œuvre, qui devrait être la suite du succès In the Mood for Love et de 2046. Le projet se précisera dans quelques mois… D’ici là, un marathon de ses œuvres est toujours le bienvenu durant les jours pluvieux!
«Chungking Express» de Wong Kar-wai en images
Par Images tirées du film «Chungking Express»