CinémaCritiques de films
Crédit photo : Métropole Films Distribution
Toujours habile à la caméra, qui n’est ni lourde ni nerveuse, François Ozon offre un nouvel opus très maîtrisé visuellement. Inspirée d’une nouvelle de Ruth Rendell, son adaptation donne à Romain Duris et Anaïs Demoustier de beaux rôles qu’ils peuvent à la fois bien camper physiquement et jouer avec nuances. Incarnant David/Virginia, Duris laisse le charme de côté pour composer un homme raisonnable qui cherche la stabilité intérieure de la plus étonnante manière. En quelque sorte plus troublée que David, Claire avance par soubresauts dans cette nouvelle relation, et la gamme d’expressions non verbales dont l’actrice fait preuve apporte beaucoup au récit.
Heureusement, en fait, que les acteurs sont solides, naturels, crédibles, car la direction artistique ne convainc pas totalement. Le mélange des genres délibéré, sans être totalement maladroit, empêche le spectateur d’adhérer pleinement à la proposition. Puisant ouvertement chez Almodovar, Ozon s’attarde sur la transformation du travesti, sur son désir de féminité. Il flirte avec le mélodrame sans y succomber corps et âme, préférant une fin sereine et positive. Si la nouvelle amitié de Claire, remplaçant celle qu’elle a perdue, prend forme avec beaucoup de justesse, le désir naissant puis déclaré entre les deux protagonistes semble moins vrai, moins incarné, ce qui affaiblit la conclusion, la rendant moins crédible.
Embrouillement et invraisemblances
François Ozon brouille également les époques et les lieux. Or, dans une comédie dramatique misant sur la nuance et une certaine explication psychologique, les invraisemblances de temps et d’espace passent mal. Dans un bar gai recréant l’atmosphère des années 1980, une drag queen fait son numéro sur une chanson de Nicole Croisille – «Une femme avec toi». Bien sûr, l’adéquation avec la chanson est totale, d’autant plus que les deux personnages permettent à l’autre de se révéler. Mais sa reprise par Claire, jeune femme de 28 ans en 2015, est moins crédible.
De même, la volonté de rendre floues les références aux lieux échoue, parce que tout dans les environnements et les personnages secondaires rappelle la France. Le tournage en banlieue montréalaise pour les scènes se déroulant à l’un ou l’autre des domiciles (un beau bungalow américain pour elle, un château de parvenus pour lui) n’apporte que confusion là où il n’y avait pas d’enjeu à souligner.
Manifestement, Ozon aime tourner. Il semble faire le choix d’utiliser son très grand talent pour faire le plus de films possible, ce qui l’empêche peut-être d’aboutir, de temps à autre, à un très grand film. Une nouvelle amie est un récit touchant sur un sujet qui heurte des sensibilités, celui de la marginalité de genre et des familles atypiques. Il en faudra toutefois, et malheureusement, davantage pour casser les préjugés.
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de la rédaction