«Trance» de Danny Boyle: flouer son prochain – Bible urbaine

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«Trance» de Danny Boyle: flouer son prochain

«Trance» de Danny Boyle: flouer son prochain

Publié le 11 avril 2013 par Jim Chartrand

Crédit photo : Fox Searchlight

Danny Boyle n'a jamais vraiment cessé de s'intéresser au comportement humain, mais son escale plus méditative des dernières années, dont a fait foi sa passion intensive pour l'Inde et son oscarisé Slumdog Millionaire, a rapidement fait le tour de son propre succès, de quoi se réjouir de son retour au pays, du moins «son» pays.

Fidèle à son habitude, toujours divertissant dès son entrée en matière, aidé du charisme magnétique de James McAvoy, Danny Boyle nous convie rapidement dans les coulisses de la haute bourgeoisie londonienne lorsqu’elle se voit manipuler par le bas. En d’autres termes, on s’intéresse à l’univers des voleurs qui s’en prennent aux articles de prestige mis en vente dans une enchère. Toutefois, loin de là l’idée de se la jouer Ocean’s Eleven, Twelve, Thirtheen ou tout autre film de vol, qu’il soit de banque ou autre. Plus intimiste, on prend malgré tout la peine de semer une arnaque, mais tout comme son protagoniste ou tout autre personnage, on tentera judicieusement de s’amuser avec le spectateur afin de jouer à un jeu de discernement du vrai et du faux qui s’avérera souvent plus complexe qu’il ne le semblera au premier abord.

Transposition habile de la grande question du vrai et du faux dans l’art (les toiles) à la soit-disant «réalité» cinématographique (la fiction). Dans ce qui se présentera comme un mélange subtil des croyances, sorte de croisement un peu fou entre Inception et Eternal Sunshine of the Spotless Mind, le Trance de Danny Boyle raconte l’histoire de Simon, un homme criblé de dettes, qui décidera de jouer un mauvais tour à Franck, truand de premier ordre incarné par l’imposant Vincent Cassel, à qui il doit pratiquement tout. Malheureusement, rien n’ira comme prévu, et le portrait qu’il souhaitait voler pour se construire sa propre richesse deviendra alors la récompense d’une solution enfouie dans un casse-tête infini, dont la clé se trouve piégée dans son esprit et les méandres de son inconscient. Entrera donc en matière la personne d’Elizabeth, une hypnothérapeute réputée, qui possède les traits de la toujours très exotique Rosario Dawson, laquelle sera utilisée pour tenter de récupérer l’information dont le protagoniste a besoin.

Toutefois, tout sera mis sans dessus-dessous. Autant jouera-t-on sur la notion d’exploration dans le subconscient, autant tenterons-nous de nous faire croire en la capacité de création subtile d’un subconscient. Du coup, le film devient un véritable casse-tête, jouant sans cesse la carte de la mise en abyme, pour toujours nous mélanger et qu’on ne puisse plus déceler ou retrouver une part de vérité.

Avec ce jeu de va-et-vient constant entre l’ici et l’ailleurs et ses revirements de pouvoir et de force, le film pourrait difficilement être plus à vif sur ses convictions. Malgré tout, à force de vouloir nous en mettre plein la vue et de tout le temps s’envoler dans toutes les directions possibles, le long-métrage se perd, le comble, quand tout ce qu’il veut c’est nous perdre, nous. Convaincu de son indéniable génie et de son brio, le film de Boyle continue de gonfler l’ego de son réalisateur, alors qu’il nous envahit comme toujours d’effets cool autant en montage qu’en transitions, le tout ponctué d’une trame sonore à la grande démesure de ses ambitions. L’image a beau être toujours impeccable et le physique de ses vedettes au diapason, le spectateur lui, pendant ce temps, se lasse dans ce trop-plein de prétention.

Du coup, on a beau remercier les nombreuses audaces d’un tel scénario, mais encore une fois, l’excès de style finit par gonfler au point de profondément saouler. Le ridicule s’harmonise avec sa violence et les situations ne s’aident en rien malgré les nuances de ses personnages. Le cinéaste a beau continuer de ne jurer que par ses propres idéaux, mais sa griffe semble de plus en plus en désuétude, tellement il ne parvient plus à bien l’équilibrer ou, du moins, à justement la balancer.

C’est donc là où Boyle franchit sa propre limite: c’est en transgressant son propre univers, en se flouant lui-même, et ce, beaucoup plus que ses personnages, ses spectateurs ou son scénario. D’un cinéma bonbon appréciable dès la première seconde, on atteint trop rapidement l’overdose par excès de surconsommation, à l’image de la génération qu’il aime savamment dépeindre, laquelle est toujours à l’affût de l’actualité et de sa propre modernité.

On a beau souligner le génie de quelques revirements bien écrits et la dévotion malléable de ses talentueux interprètes, rien ne nous enlèvera le mal de tête volontaire que Boyle nous aura imposé, s’assurant toujours de laisser son égocentrisme l’emporter sur son contenu jusqu’à ce que ce contenu lui-même semble nous prendre à la tête par son exagération. De quoi enlever, en somme, tout l’impact de l’ambiguïté de son questionnement final, lui-même surexpliqué, se présentant à des lunes du génie d’un certain Christopher Nolan dont la finale de son Inception, malgré toutes ses imperfections, n’a pourtant jamais cessé de nous hanter.

Trance de Danny Boyle prend l’affiche en salles ce vendredi 12 avril.

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