«To Rome with Love» de Woody Allen: opéra, adultères et paparazzi dans la ville éternelle – Bible urbaine

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«To Rome with Love» de Woody Allen: opéra, adultères et paparazzi dans la ville éternelle

«To Rome with Love» de Woody Allen: opéra, adultères et paparazzi dans la ville éternelle

Publié le 17 juillet 2012 par Luba Markovskaia

Woody Allen n’a pas peur des classiques. Après les saisissantes cartes postales de Londres, Barcelone et Paris, le grand New-Yorkais nous livre une vision tout aussi sublime de Rome. Nul autre ne sait se délecter comme lui de ce que certains appelleraient des clichés mais qui redeviennent, par le truchement de son regard, des classiques intemporels. De la bande sonore qui nous accueille avec un Volare bien senti, en passant par la fontaine de Trevi jusqu’aux ruines du Colisée, la Rome de To Rome with Love est le somptueux décor de plusieurs trames narratives qui ne s’enchevêtrent pas, mais qu’on peut néanmoins relier à d’autres classiques, ceux du réalisateur même.

En effet, depuis quelques années, Woody Allen revisite plusieurs de ses films new-yorkais en les transposant dans de nouveaux lieux et avec d’autres personnages. Un peu comme Matchpoint était un retour sur Crimes and Misdemeanors, To Rome with Love reprend plusieurs éléments de Deconstructing Harry: la structure en plusieurs trames indépendantes, le personnage de la prostituée de bas étage qui apparaît dans les hautes sphères de la société, et le récit absurde d’un sort qui s’abat soudainement sur un personnage anonyme, ici interprété par Roberto Benigni. La trame la plus développée, celle avec Jesse Eisenberg, Ellen Page et Alec Baldwin, est, à quelques différences près, un retour très réussi sur un film moins connu de Woody Allen, Anything Else. Les connaisseurs seront donc ravis des clins d’œil et des réinterprétations, mais le film demeure, d’un bout à l’autre, un plaisir pour les habitués comme pour les néophytes.

Fidèle à son habitude, Woody Allen crée les conditions idéales pour le jeu de chacun des acteurs de sa distribution audacieuse. Ellen Page, jadis reconnue pour ses rôles d’adolescentes, s’épanouit dans le rôle d’une femme fatale sous le regard de la caméra qui la filme de très près pour accentuer le charisme érotique du personnage; Benigni est tout à fait lui-même dans le jeu tragi-comique qui lui est propre, en petit clerc devenu, du jour au lendemain et sans raison apparente, une grande célébrité en proie aux paparazzi; et un seul regard d’Alec Baldwin, présenté par le narrateur du début comme «that famous american actor», suffit pour exprimer toute la lucidité mêlée de nostalgie qu’il projette sur le personnage du très naturel Jesse Eisenberg, son double plus jeune, qu’il ne cesse de mettre en garde contre le piège amoureux dans lequel il est tombé autrefois.

«Age is wisdom», dit le personnage d’Eisenberg à celui de Baldwin, qui répond: «Age is exhaustion», ce qui n’est certainement pas le cas pour Woody Allen, qui incarne à merveille un metteur en scène raté d’opéra d’avant-garde à la retraite, dont les échanges truculents avec son épouse psychiatre (la toujours formidable Judy Davis) donnent lieu à une effusion de «one-liners» typiquement alléniens. Dans cette trame au scénario particulièrement réussi, le personnage d’Allen découvre chez le père de son futur gendre, embaumeur de son métier, une voix opératique naturelle, mais qui n’apparaît que sous la douche, ce qui donne lieu à des bijoux de mise en scène frôlant le burlesque.

Ce burlesque qui rappelle le Woody Allen des premiers films est présent dans une autre trame, où l’affriolante Pénélope Cruz joue une prostituée qui se voit contrainte à jouer l’épouse d’un jeune provincial venu à Rome pour obtenir un poste dans la conservatrice entreprise familiale, tandis que sa véritable épouse, partie en cavale, s’amourache d’une star italienne, l’incroyablement crédible Antonio Albanese, et se retrouve dans une situation digne d’une pièce de Feydeau. Cet épisode, ainsi que le récit du personnage de Benigni, donnent lieu à une satire et une réflexion sur le milieu de la célébrité.

Donc: satire, burlesque, histoires d’amour et ruines romaines, il y a tout cela et bien plus encore dans ce dernier Woody Allen, qui n’accote peut-être pas Midnight in Paris en termes de génie, mais qui offre, avec une générosité sans cesse renouvelée de la part du prolifique réalisateur, des instants de bonheur total à qui s’y plonge. On peine d’ailleurs à s’arracher de l’atmosphère dorée de To Rome with Love, mais on sort de la salle de cinéma avec un regard réenchanté sur sa propre ville et son potentiel d’histoires.

En salles dès le 20 juillet 2012.

Appréciation: ****

Crédit photo: Métropole Films

Écrit par: Luba Markovskaia

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