CinémaCritiques de films
Qu’on se le tienne pour dit, le Canadien James Cameron est malgré tout un visionnaire. Oui, il est plutôt pince-sans-rire et semble prôner un régime par moment dictatorial et unique de pensée, mais il sait ce qu’il veut et il semble être sans limites quant à sa capacité d’obtenir ce qu’il désire. Certes, Avatar ne lui a pas obtenu la reconnaissance critique qu’il espérait (certains ont encore le mauvais goût de tous les Oscars remis à Titanic bien enfoncé dans la gorge… 11 au total!), à défaut d’engranger un nombre abasourdissant de recettes, mais s’il se retient dans une patience raisonnable, il n’a pas peur de mettre la main sur la crème de la crème de la technologie pour aspirer à mener une partie du 7e art à un niveau supérieur.
Du coup, oui, il avait déjà touché à la 3D par le biais de son Ghosts of the Abyss, documentaire sur l’épave du Titanic, mais il aura attendu plus d’une décennie, à l’aube de la commémoration des 100 ans passés suivant la catastrophe, pour offrir le traitement royal à son film chéri. Avec un budget estimé à 18 millions de dollars et la conscience de ce qu’il peut être capable d’obtenir avec son plus récent film utilisant le procédé, ç’aurait presque été offensant que le résultat ne soit pas impressionnant. Et bien, rassurons-nous, ça l’est! Le transfert est en soi une réussite. Certes, le plus grand choc se déroule dans la première demi-heure, alors que le film touche un style pratiquement documentaire et que des scientifiques parcourent l’océan à l’aide de machine pour découvrir les secrets cachés de l’épave. Tel un enfant émerveillé, on s’engloutit complètement dans l’expérience et on salue le sage travail qui a été opéré.
Par la suite, quand l’histoire embarque réellement, on s’habitue et, tout comme dans Avatar, on a droit à une forme de 3D qui ne s’entête pas à nous faire un incessant usage de «in your face», mais bien de nous immiscer dans un réalisme palpable, ou presque. Il y a bien plusieurs plans jouant sur les hauteurs qui fonctionnent à plein régime (on pense à la tentative de suicide ou plusieurs des plans sur le pont dans la dernière demi-heure et bien plus), mais, en général, et étant donné qu’on passe beaucoup de temps à se concentrer sur les personnages et leur psychologie, on assiste surtout à un constat relativement fictif d’une certaine réalité d’une époque, mais avec des lunettes.
Par contre, l’autre constat que l’on observe en revoyant ce classique sur grand écran pour la première fois depuis sa sortie c’est à quel point Cameron a soigneusement choisi ses plans pour donner l’impression de grandeur et d’immensité. Foule ou pas, il favorise l’usage du grand angle et permet ainsi d’offrir un spectacle visuellement impeccable, qui n’est pas sans rappeler le caractère imposant et intimidant des films ou scènes tournés à l’aide de la caméra IMAX.
Pour le reste, rien n’a changé (outre un plan de ciel étoilé selon les rumeurs confirmées). Histoire de rejouer sur les mêmes blagues, oui, ils percutent l’iceberg de nouveau, oui, il y a toujours cette légère critique de la lutte des classes, la romance unissant Jack et Rose est toujours aussi condamnée et, oui, le bateau coule entièrement à la fin. De fait, ce film que Cameron a écrit, réalisé, co-produit et co-monté possède toujours cette fraîcheur bonbonnière, du moins, pour ses deux premières heures, alors que l’humour, omniprésent, volontaire ou non (les dialogues ont soit terriblement vieilli ou ils n’ont jamais été très intellectuels: «le cœur d’une femme est un océan de secrets»), Il faut dire que la distribution, impériale, s’assure de donner de la grandeur à des personnages souvent unidimensionnels, des prometteurs Leonardo DiCaprio et Kate Winslet, qui n’ont décidément pas déçu dans les années qui ont suivi, en passant par les plus expérimentés Frances Fisher, Bernard Hill, Victor Garber et, bien sûr, l’inévitable Kathy Bates en «nouvelle riche» et l’impitoyable mais hilarant Billy Zane dans le rôle du fiancé. Bien sûr, la dernière heure flirte avec l’excès, alors que ça ne semble plus se terminer au fur et à mesure que le bateau s’enfonce sous la surface, mais bon, il fallait s’y attendre et, de toute façon, c’est souvent le cas des plus grandes épopées, à défaut ici que Cameron n’a pas tout à fait créé un équivalent moderne aux Gone With the Wind de ce monde, lequel est bien trop ancré dans un genre superficiel et sans l’humanité de certains Baz Lhurmann ou autres.
Ainsi, c’est l’occasion pour les filles de dire au revoir à leur «beau Leo» dans son jeune temps, de pleurer à nouveau encore et encore et de re-re-re..re-chantonner les paroles à l’unisson de l’indétrônable «My Heart Will Go On», interprétée par Céline Dion et toujours bien située à la toute fin après le fameux «pitchage» du maudit collier. C’est aussi la chance de revivre sur grand écran la reconstitution souvent abasourdissante qu’a su manœuvrer Cameron, tout en devant se contenter de la trame sonore diablement sirupeuse et par moment insupportablement envahissante de James Horner.
Nul doute donc que l’invitation saura trouver réponse parmi des centaines de spectateurs qui se rueront directement vers leur salle de cinéma préférée, qu’importe la durée, le temps passé ou même le haut degré d’invraisemblances et de moments qui donnent franchement envie de se marrer, parce que Titanic est un mythe que Cameron a su s’approprier, bref, de quoi le rendre intouchable et surtout infaillible aux yeux de tous ses fans bouleversés qui chavireront de nouveau avec lui, qu’importe la paire de lunettes et les quelques dollars supplémentaires qui pourront bien les séparer de leur amour.
Appréciation: *** ½ (3D ou pas 3D)
Crédit photo: www.altfg.com
Écrit par: Jim Chartrand