«A Thousand Times Good Night» d'Erik Poppe, avec Juliette Binoche et Nikolaj Coster-Waldau – Bible urbaine

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«A Thousand Times Good Night» d’Erik Poppe, avec Juliette Binoche et Nikolaj Coster-Waldau

«A Thousand Times Good Night» d’Erik Poppe, avec Juliette Binoche et Nikolaj Coster-Waldau

Camera obscura

Publié le 8 décembre 2014 par Ariane Thibault-Vanasse

Crédit photo : TVA Films

De Robert Capa à David Burnett, une longue lignée de photojournalistes ont été les témoins de premières lignes des évènements marquants du siècle. Le monde leur doit beaucoup et leurs clichés ont souvent aidé à transformer les mentalités et à rendre compte des atrocités qui sévissent partout sur la planète. Alors que l'on salue leur courage de mettre leur vie en péril pour l'épreuve qui pourrait passer à l'Histoire, on oublie que ces photographes de guerre ont des familles qui s'inquiètent et remettent en question constamment la nécessité de leur travail. «A Thousand Time Good Night» relate l'histoire de Rebecca, une photojournaliste qui voudrait choisir sa famille alors qu'elle brûle de la passion des zones de conflit.

Avec beaucoup de nuance et de sensibilité, le réalisateur norvégien Érik Poppe montre les dessous du travail d’une photojournaliste réputée, Rebecca (incarnée à la perfection par Juliette Binoche). Après un attentat suicide orchestré en Afghanistan par une cellule terroriste que Rebecca a réussi à infiltrer pour incarner à l’aide de sa caméra ce rituel kamikaze, et auquel elle a survécu, la photographe doit retourner auprès de sa famille qui s’attendait au pire. Elle se rend alors à l’évidence qu’elle ne peut plus laisser son mari et ses deux filles dans la peur constante de sa mort. Elle décide alors de mettre un terme à la photographie des zones de guerre. Sa vocation pourrait tout de même avoir raison de sa famille.

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Si on pouvait penser, au premier abord, que le déchirement de Rebecca de choisir entre son métier et sa famille semble évident, Érik Poppe illustre toute la complexité d’une telle décision, si décision il y a en réalité. La nature de Rebecca ne lui permet pas de se satisfaire d’une vie normale. Elle qui est habitée par une rage et une colère depuis toujours, genèse d’ailleurs de sa passion pour la photo, carbure au danger. Loin d’être une téméraire casse-cou, elle brûle plutôt de se besoin urgent de réveiller la planète à l’actualité et aux histoires de ces gens facilement oubliés. Lors d’un voyage initiatique avec sa fille Steph dans un camp de réfugiés au Kenya, endroit qui se voulait sécuritaire, Rebecca est alors guidée par un besoin plus grand qu’elle de prendre des images du massacre qui va poindre à l’horizon, et ce, au détriment de la promesse faite à sa fille et son mari de se tenir loin de telles situations. «Je veux que les gens s’étouffent dans leur café le matin en voyant mes photos», explique-t-elle à son aînée. Briser la routine et éveiller les consciences de la réalité d’autrui, tels sont les objectifs de Rebecca même si sa famille doit en pâtir. Si elle ne se fait pas la voix des laisser pour compte, qui la fera?

À la manière d’un documentaire, A Thousand Times Good Night s’immisce dans des univers opposés avec une grande honnêteté. Les scènes en Afghanistan et au Kenya sont empreintes de beaucoup de luminosité, pour sublimer leur présence dans le paysage de la société, qu’on le veuille ou non. Erik Poppe vient accentuer un certain malaise commun en se questionnant sur les agissements de la photographe et du rôle du journalisme en général. Pourquoi le personnage de Rebecca risque sa vie comme elle le fait pour quelques photographies qui risquent de ne jamais retentir dans les pages des grands journaux et, pire, de passer sous le nez indifférent des  gens. Le cinéaste remise le cynisme ambiant et propose avec son plus récent opus peut-être pas mille, mais du moins quelques exemples de la volonté de certains irréductibles de faire un monde meilleur. Un cliché à la fois.

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