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Présenté l’an dernier à Cannes, le Cinéma du Parc offre en exclusivité The We and the I de Michel Gondry (Eternal Sunshine of the Spotless Mind, Be Kind Rewind et The Science of Sleep), et ce, juste à temps pour nous faire patienter en attendant son adaptation fort attendue de L’écume des jours de Boris Vian.
Fin des classes, début de l’été et des vacances dans le Bronx, pour une bande d’ados sur le chemin du retour, mais peut-être également le point du non-retour. Après tout, qu’on le veuille ou non, nos actions ont des conséquences et à force d’agir, il faut penser à «comment» agir, ce que certains des jeunes (pas tous, évidemment) finiront par comprendre.
Magnifique entrée en matière pour l’étude sociologique de ces adultes en devenir qu’on ne comprendra jamais, Gondry ramène à l’avant-plan le genre de la fiction documentée qui rappelle la technique utilisée par Laurent Cantet pour son Entre les murs, lauréat de la Palme d’or en 2008. Il s’agit ici d’utiliser la fiction en guise de prémisse et de leitmotiv directionnel pour laisser les jeunes improviser et jouer leurs propres rôles sous les indications d’un scénario plus ou moins précis. Pour mieux cerner son microcosme, s’il ne délimite pas l’encadrement de ces jeunes acteurs non-professionnels par le biais des quatre murs d’une classe, il se contente toutefois de se restreindre à l’autobus de ville, leur servant de transport, et les endroits avoisinants, usant d’autres lieux à titre de projections réelles, passées ou simplement fantasmées.
Du coup, ce qui débute innocemment, tout en laissant entrevoir les sources d’autres drames bien plus grands, se laisse savourer grâce au rythme assuré, au look et à l’ambiance urbaines, tout comme les excellents choix musicaux, qui ponctuent l’ensemble avec assurance et juste un brin nécessaire d’arrogance. Bien sûr, dans ce film, les jeunes sont rois et il y a certainement une part d’immoralité dans le lot, mais il ne faut surtout pas se méprendre. Bien que le tout fera certainement écho à des situations qu’on a jadis vécu ou entrevu, un réalisme prédominant à l’avant-plan, malgré quelques dialogues un peu plus forcée, on prendra bien soin de diviser le récit en trois parties qui, tout en éliminant les personnages plus à risque d’un futur incertain au fur et à mesure, mèneront vers une intimité ravivant la sensibilité inévitable de Gondry.
Sans jamais juger son sujet, le cinéaste se permet de s’y rapprocher, d’y illustrer le chaos et non la terreur (ce que le cinéma britannique a beaucoup plus tendance à faire face quand il parle des adolescents), et de tranquillement démêler le tout pour qu’on s’identifie avec leur quotidien.
Si l’exercice ne sera pas sans failles, on saluera la maîtrise du cinéaste qui ne manquera jamais de dynamiser sa mise en scène en ajoutant constamment sa touche créatrice qui fait sa marque par le biais de sympathiques inventivités et trucages maisons comme on les aime. De plus, le scénario est riche en rebondissements, en personnages colorés et en moments amusants.
Un peu comme un épisode du Bus magique adapté à la sauce contemporaine (pas vraiment, en fait, mais la comparaison vaut son pesant d’or!), le film nous permettra de s’immiscer dans un quotidien rapproché mais d’une façon inédite, toujours sous l’œil et la vision bienfaitrice de Michel Gondry. Un peu comme L’épine dans le cœur, voilà un exercice qui donne envie de détourner le regard au premier coup, mais qui charmera irrésistiblement du tout au tout. Ah!, ce Gondry, comment fait-il pour toujours séduire autant?
The We and the I prend l’affiche ce vendredi 26 avril au Cinéma du Parc.
*À noter que les billets achetés donneront le droit d’assister gratuitement à la projection ultime et unique de tous les courts-métrages et vidéoclips de Michel Gondry, présentés en un bloc de trois heures, le dimanche 5 mai dès 14h.
Appréciation: ***½
Crédit photo: Cinéma du Parc
Écrit par: Jim Chartrand