«The Square» de Jehane Noujaim

Présenté en ouverture des Rencontres Internationales du documentaire de Montréal (RIDM), The Square, réalisé par Jehane Noujaim et actualisé depuis sa version projetée à Sundance, a quelque chose de spectaculaire. Bien sûr, le sujet du documentaire s’y prête. Les évènements qui ont fait vibrer l’Égypte depuis janvier 2011 jusqu’à la chute de Mohamed Morsi s’avèrent une source documentaire autant fascinante qu’ébranlante.

Pour cette production, la cinéaste a choisi la place Tahrir, lieu qui témoigne du souffle du peuple comme du pouvoir de l’armée, afin d’offrir un ancrage à son film. C’est en fait la vision de la place Tahrir qui est ici en images, mais aussi celle de divers «personnages» présents tout au long du film. La jeunesse égyptienne, pleine d’espoir, de désirs et de force, est incarnée par Ahmed, tout comme Khalid Abdalla (acteur des Cerfs-volants de Kaboul) représente le désir de liberté et de prise de parole. Plusieurs autres personnes qui les entourent viennent se joindre à eux afin de compléter ce tableau aux multiples compositions révolutionnaires.

Le cinéphile n’a qu’à bien se tenir, car toute la gamme d’émotions passe à travers ce documentaire. Autant la force du peuple, magnifiée par les images prises par l’équipe de la cinéaste, donne envie de se lever pour les soutenir, autant la «mort en direct» atroce d’Égyptiens par l’armée refroidit les désirs de libération populaire. Les visages en pleurs des parents ou amis qui ont perdu des proches dans ce chamboulement rappellent qu’il y a malheureusement des conséquences à tous types de changements de paradigme. Mais l’ardent désir de posséder ses droits est plus fort que tout.

Les moments montrant la dure réalité sont aussi entrecoupés par les discussions d’une grande intensité qui font rage entre plusieurs personnes. Parmi les sujets débattus, il faut évoquer les réelles intentions des Frères musulmans et la possible récupération des souhaits émancipateurs du peuple, la division religieuse ainsi que le passage aux urnes. Les positions sont diverses, mais il est pertinent et intéressant de voir, par exemple, l’acteur d’origine égyptienne Khalid Abdalla échanger avec son père via le Web. La politique est alors sur toutes les lèvres.

Si les images réussissent à faire varier l’échelle des émotions en un temps record, il en est de même sur le plan du son. Les cris, les pleurs et paroles de dizaines de milliers d’Égyptiens retentissent dans les oreilles des spectateurs qui se retrouvent, grâce au documentaire, au cœur de la place Tahrir au Caire. Il faut dire que l’habillement sonore est découpé et conçu dans le but de faire ressortir le spectaculaire du documentaire. C’est une force dont on parle peu souvent dans la composition cinématographique.

Au final, la cinéaste de The Square, Jehane Noujaim, qui a aussi réalisé Control Room en 2004, a le vent dans les voiles avec ce documentaire primé à Sundance et au TIFF. La force du montage, des images intégrées et de l’agencement sonore prouve à quel point le documentaire possède une force cinématographique plus qu’enviable. Même pour témoigner des événements charnières d’un peuple.

«The Square» de Jehane Noujaim est présenté dans le cadre des Rencontres Internationales du documentaire de Montréal (RIDM). Le film sera projeté deux fois, c’est-à-dire le 15 novembre à 21h15 au Cinéma Excentris (avec sous-titres français) ainsi que le 17 novembre à 16h30 au Cinéma du Parc (avec sous-titres anglais). Pour plus d’information ou pour vous procurer des billets, consultez le site officiel à l’adresse suivante: http://www.ridm.qc.ca/fr/programmation/films/522/square-the.