CinémaCritiques de films
La rumeur courait que The Sapphires, présenté en première mondiale au Festival de Cannes en 2012, était le nouvel événement cinématographique de l’heure après The Artist (2011). Le film de Wayne Blair met en vedette d’excellents acteurs, certes, et nous époustoufle au niveau photographique, mais ne devrait pas remporter l’Oscar du meilleur film de l’année. Cela dit, voilà un divertissement à ne pas manquer avec des performances musicales très réussies pour les amateurs de Motown.
Le film est une comédie dramatique qui raconte la vie de trois sœurs aborigènes ayant réellement existé: Gail, Julie, Cynthia, sans oublier leur cousine Kay, qui rêvent toutes de monter sur scène après avoir été découvert par Dave Lovelace, un musicien irlandais au caractère bien trempé et grand amateur de whiskey et de musique soul. L’histoire se déroule donc dans une Australie de 1968, qui considérait malheureusement les aborigènes comme un élément de faune et de la flore. Dave, joué par le charismatique Chris O’Dowd (Dinner For Schmucks, Bridesmaids, Friends With Kids), remanie le répertoire du groupe, rebaptisé The Sapphires, et organise une tournée dans les zones de guerre du sud du Vietnam. Il faut redonner le moral aux troupes et elles y parviennent avec succès. Jusqu’ici, tout va plutôt bien.
Dans le delta du Mékong où elles chantent pour les Marines, les filles font vraisemblablement déchaîner les troupes. Sans être uniquement axé sur le succès d’un tel phénomène, le film s’oriente davantage sur la préparation d’une formation parfois fragile et compétitive et sur l’entraide entre les quatre chanteuses complices malgré tout, et, coup de théâtre, lorsqu’on oublie que tout pourrait basculer, bien calé dans le fond de notre siège, elles esquivent de justesse les balles des frappes ennemies, à notre grand désarroi. Les chanteuses du quatuor finissent par tomber amoureuses de Dave et des Marines, ce qui complique parfois les choses et apporte son lot de larmes abondantes.
L’aspect vieillot des décors et des costumes fait en sorte qu’on sort des sentiers battus avec ce long-métrage, puisque les paysages, le Vietnam des années 60, la base militaire et le monde du spectacle quelque peu broche-à-foin s’entrelacent avec une fluidité exemplaire.
L’unique bémol, c’est qu’à un moment donné, on se demande pourquoi y avoir ajouté autant de sentimentalisme. À tour de rôle, les personnages féminins vivent inévitablement leur déception amoureuse, ce qui ne convainc pas entièrement. Est-ce un manque de crédibilité du jeu d’acteur, ou la fixation de montrer ces cœurs déchirés à tout prix? Dur à dire. On finit par se lasser des larmes déposées délicatement par une bouteille d’eau avant le fameux «action!». Par exemple, lorsqu’une d’entre elle apprend qu’elle est demandée en mariage, c’est l’effondrement total, comme si elle venait d’apprendre un diagnostic fatal d’un cancer incurable. Un instant, c’est émouvant une telle nouvelle, mais ici c’est surjoué.
Nonobstant cet élément mal ressenti par tout spectateur, le scénario est profond et basé sur la réelle existence de la formation musicale The Sapphires, qui s’est fait orienter vers le bon chemin par un individu parfois intransigeant mais au cœur tendre. On y entend sur plus de la moitié des pièces la voix de la chanteuse R&B australienne Jessica Mauboy, avec des reprises des années 60 Motown/soul très accrocheuses et dansantes telles que «I Can’t Help Myself» (l’originale étant écrite par The Four Tops en 1965), ou encore «Who’s Loving You» (pièce soul Motown écrite en 1960 par William «Smokey»). On peut y écouter également «Run Through the Jungle» de CCR et aussi «Shouting Out Love» de The Emotions, pour ne nommer que celles-là.
Il faut donc aimer les 60’s et le «soul music baby», mais les seize pièces suaves et désinvoltes que propose la bande originale The Sapphires permettent une bonne immersion dans le genre.
Le film The Sapphires prend l’affiche dans plusieurs cinémas au Québec le 12 avril 2013.
Appréciation: ***1/2
Crédit photo: Weinstein Company
Écrit par: Olivier Boivin