«The Desert» de Christoph Behl – Bible urbaine

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«The Desert» de Christoph Behl

«The Desert» de Christoph Behl

Là où se cache le vrai monstre

Publié le 11 août 2014 par Marie-Hélène Chagnon St-Jean

Crédit photo : Tous droits réservés

Survivants de l’apocalypse, trois inconnus se réfugient tels des zombies errant dans une maison transformée en bunker blindé. Seuls dans ce nouveau monde dont ils ont hérité, ils forment dès lors une famille étroitement liée, mais aussi un triangle amoureux qui les consume. S'entremêlent la jalousie croissante d’Axel (Lautaro Delgado), le désir de contrôle de Jonathan (William Prociuk) et l’impasse à laquelle est confrontée Ana (Victoria Almeida). Leur vient un jour l’idée d’établir un confessionnal dans une pièce recluse de la maison où ils pourront se livrer à une caméra vidéo puis jeter toute preuve dans un grand coffre fermé à clé. Ce nouveau rituel leur permet de libérer leurs esprits des pensées qui ne peuvent être dites à voix haute et des paroles qui pourraient briser le fragile équilibre qui les soutient.

La curiosité dévore alors un des protagonistes qui trouvera le moyen d’ouvrir le coffre barré où sont oubliées les cassettes de chacun, et dans un élan de voyeurisme, ce dernier découvrira le fond de la pensée des deux autres. Les règles établies et nécessaires à leurs survies seront mises en doute, leurs propres lois enfreintes. Dès lors commence le douloureux déclin du trio. Ainsi, ils entameront leur plus grande mise à l’épreuve, celle de perdurer dans un monde civilisé.

Le réalisateur Christoph Behl, d’origine allemande, aussi connu pour son documentaire Alguien en la terraza (2006), nous offre avec The Desert un autre cri du cœur alarmant sur les relations humaines et leur rapport à leur environnement. Dans son processus créatif, Behl laisse beaucoup de liberté quant à la narration aux acteurs, les laissant improviser des dialogues d’un troublant réalisme. La détresse est transmise. Ajoutant au mystère planant, la majorité des prises sont réalisées en plans rapprochés et accentuent par le fait même l’effet de proximité, de captivité, voire de claustrophobie.

Pour ici paraphraser Jean-Paul Sartre, l’enfer de The Desert, c’est les autres. L’angoisse se construit à l’intérieur même du huis clos où ils sont captifs et où les zombies ne sont que la cause de leur isolement, et non pas de leur perte. L’échappatoire à leur cloison, c’est le confessionnal où ils tentent de se confesser à la caméra vidéo, seul témoin de leurs réflexions.

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Le film recèle  plusieurs finesses et  détails significatifs. On pense notamment à Axel qui s’entête à couvrir son corps de tatouages de mouches, une référence aux corps gisant dans les rues, clamant que lorsque l’œuvre sera terminée, il quittera l’enceinte qui les abrite pour le chaos de la rue. On pense aussi à Ana, laquelle insiste pour donner un nom au zombie qu’Axel et Jonathan viennent tout juste de capturer; et à Jonathan, qui cherche à raviver la rivalité entre les hommes. Ces derniers gestes d’humanité soufflent finalement un vent d’espoir au spectateur.

Ce film est destiné aux amateurs de films post-apocalyptiques où l’essence du scénario se concentre sur le développement psychologique des survivants plutôt que sur un banal sursaut d’épouvante. Seul un zombie fait son entrée en scène et sera plutôt victime des rages humaines des trois protagonistes qu’un réel danger. Behl met d’abord de l’avant la vraie monstruosité de l’homme.

«The Desert» fut présenté le 27 juillet le 5 août derniers au théâtre J.A. de Sève.

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