«The Crow» (Le corbeau), une nouvelle adaptation décevante d'un film culte – Bible urbaine

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«The Crow» (Le corbeau), une nouvelle adaptation décevante d’un film culte

«The Crow» (Le corbeau), une nouvelle adaptation décevante d’un film culte

Le corbeau vole bien bas!

Publié le 27 août 2024 par Manon Beauchemin

Crédit photo : Entract Studios

Trente ans après la sortie de «The Crow», le réalisateur Rupert Sanders s’est vu confier un défi de taille avec la conception de ce long métrage. Cette nouvelle version, à l’affiche depuis le 23 août, a fait énormément jaser et même semé la controverse depuis sa mise en chantier. Les admirateurs de l’original se sont demandé, à juste titre, si c’était une si bonne idée de revisiter cette œuvre magistrale qui a tant marqué les esprits. Anticipant sûrement le mécontentement du public, les producteurs ont insisté en affirmant qu’il ne s’agissait pas d’une reprise du film d’Alex Proyas, mais bien d’une interprétation différente de la série de bandes dessinées de James O’Barr. Cette version modernisée n'est cependant pas à la hauteur du classique qui lui reste intouchable.

Nul besoin d’avoir vu l’original de 1994 pour connaître l’histoire sordide qui entoure la production du film tel un halo maléfique. Il faut dire qu’elle a créé une onde de choc à l’époque et qu’elle a même ouvert la discussion sur les dangers associés à l’utilisation d’armes à feu dans l’industrie cinématographique.

En effet, dans la nuit du 31 mars 1993, alors qu’il était au beau milieu d’ une scène de «The Crow» en Caroline du Nord, l’acteur principal, Brandon Lee (fils de Bruce Lee), a été accidentellement tué lorsqu’une vraie balle a été tirée par mégarde dans sa direction par Michael Massee, un autre acteur de la distribution.

L’enquête qui a suivi a révélé que, lors d’une précédente utilisation, l’arme avait été chargée avec des cartouches factices, qui étaient des balles réelles, mais sans poudre, et qu’une de ces balles était restée bloquée dans le canon. Ainsi, la cartouche à blanc a fourni suffisamment de puissance pour expulser la balle et atteindre mortellement Lee.

Cette tragédie a certainement eu un impact sur la popularité du film – d’autant plus qu’il s’agit d’un long métrage plutôt sinistre – mais elle n’est pas l’unique raison qui explique le statut culte de ce dernier.

À sa sortie, l’œuvre aux allures gothiques a été acclamée par la critique pour son style visuel unique, sa profondeur émotionnelle, ainsi que la performance exceptionnelle de Lee. Pour toutes ces raisons, l’idée d’en faire un remake a toujours été mal vue chez la plupart des cinéphiles.

Cependant, depuis plusieurs années, Hollywood aime bien proposer des adaptations modernes de films qui ont connu un certain succès, comme Batman ou La planète des singes, et celui-ci ne fait pas exception à la règle.

Image tirée du film «The Crow» (Le corbeau)

La rumeur voulait qu’une nouvelle version de The Crow était dans l’air depuis plusieurs années déjà, plus précisément depuis 2008, mais divers réalisateurs, scénaristes et membres de la distribution ont à tour de rôle été attachés au projet, pour ensuite s’en éloigner.

Il va sans dire qu’il n’a pas été évident de concrétiser ce projet! C’est finalement au réalisateur Rupert Sanders (Blanche-Neige et le chasseur) qu’il a été confié en 2022.

Le film de 2024 est un peu différent, mais il reste majoritairement fidèle à l’original en ce qui concerne l’histoire. Celle-ci tourne autour d’Eric Draven (Bill Skarsgård, Ça, chapitres 1 et 2), un musicien qui se fait assassiner aux côtés de l’amour de sa vie, Shelly (interprétée par la chanteuse FKA Twigs), et qui revient à la vie afin de se venger.

Il traquera sans relâche ceux qui s’en sont pris à eux jusqu’au dernier, et ce, dans l’espoir de sauver celle qu’il aime aux dépens de sa propre vie.

Une histoire d’amour omniprésente

En entrevue avec Esquire, Bill Skarsgård a parlé de la vision que Rupert Sanders souhaitait adapter au cinéma: «Quand vous créez quelque chose qui a déjà été si bien fait auparavant et qui est iconique, je crois qu’il est préférable d’y aller avec quelque chose de complètement nouveau, au lieu d’essayer de reproduire la même chose et d’échouer. C’est ce que nous avons fait», a-t-il déclaré.

Un des éléments qui se démarque du classique de 1994 est sans aucun doute l’histoire d’amour entre Eric et Shelly. Contrairement à l’original, au sein duquel des retours en arrière nous donnent un aperçu du lien qui unit le protagoniste à sa fiancée, la nouvelle interprétation, quant à elle, tourne uniquement autour de cette union et nous en montre plus que pas assez, tout en suivant une narration linéaire un brin ennuyante.

Image tirée du film «The Crow» (Le corbeau)

En ce sens, les quarante premières minutes du film sont entièrement dédiées au développement de cette relation: la rencontre, le coup de foudre et le lien qui se tisse entre eux. Leur amour, qui est plutôt soudain, nous semble superficiel. Ils se connaissent à peine et se lancent déjà dans de grands discours, ce qui n’aide en rien notre perception pessimiste de leur couple et nous donne plutôt envie de lever les yeux au ciel.

La chimie n’opère pas non plus; c’est plutôt difficile de s’attacher au couple.

C’est triste à dire, mais lorsqu’ils sont tous les deux tués, on se dit qu’il y aura ENFIN un peu d’action!

La version de 1994 restait assez vague en ce qui concerne la relation entre les amoureux, et pourtant, on y croyait! Il aurait sans doute été préférable de reproduire cette formule plutôt que de mettre de l’avant une connexion qui semble si insignifiante et peu crédible!

Des personnages peu attachants

Si l’histoire d’amour nous laisse de glace, c’est également parce que les émotions ne sont pas du tout au rendez-vous. Il faut dire que FKA Twigs ferait probablement mieux de se limiter à la musique, puisqu’elle ne parvient pas du tout à exprimer ses émotions à l’écran.

De son côté, Bill Skarsgård est un acteur brillant (la vidéo de son audition pour Ça, où il interprète le maléfique clown Pennywise, saura vous convaincre!) Mais le scénario de The Crow est d’une telle pauvreté qu’il ne laisse pas réellement de place pour que ce dernier puisse montrer toute l’étendue de son talent.

Image tirée du film «The Crow» (Le corbeau)

On en sait d’ailleurs très peu sur son personnage, si ce n’est qu’il est hanté par son passé en raison de sa mère alcoolique et de la vue de son cheval blanc mourant accroché à des barbelés, ce qui le mène tout droit vers un centre de réhabilitation. On a l’impression que ce sont des détails plutôt insignifiants qui ne justifient pas vraiment ses principales motivations. 

De plus, certains éléments de son passé auraient pu être gardés secrets. Cela aurait entre autres permis aux spectateurs de combler le vide eux-mêmes en s’imaginant toutes sortes de scénarios plus troublants les uns que les autres pour justifier sa présence dans un tel endroit, en plus de lui conférer un air mystérieux encore plus captivant.

En comparaison, le scénario du film de 1994 n’était pas non plus très détaillé en ce qui concerne son protagoniste, mais on pouvait au moins être certains d’une chose: Eric était furieux et il voulait se faire justice lui-même!

C’est tout ou rien

Après d’interminables minutes passées à regarder les deux tourtereaux vivre leur passion, le meurtre du couple, comme mentionné ci-haut, vient remettre l’histoire sur les rails, non sans quelques longueurs, encore…

Eric effectue en ce sens quelques allers-retours entre le monde réel et les limbes, l’air confus et désemparé. Il semble totalement dépassé par les évènements. On est loin du personnage fort et confiant incarné par Brandon Lee qui revient des morts bien décidé à venger sa bien-aimée!

Cette deuxième partie est bourrée de dialogues entre son personnage et une sorte d’ange gardien qui a pour mission de lui expliquer la marche à suivre pour que ce dernier puisse enfin comprendre ce qu’il a à accomplir. Il ressemble davantage à un petit garçon perdu et esseulé qu’à un homme en colère…

Puis, il finit par s’appliquer de l’encre noire sur le visage et à se transformer en personnage indestructible en quête de vengeance (comme il aurait dû l’être depuis un bon moment déjà!) pour la vingtaine de minutes restantes, ce qui détonne énormément avec le reste du film.

On a soudainement l’impression que John Wick s’est emparé de lui afin de tuer tous ceux qui se trouvent sur son passage, ou encore, de se retrouver dans une scène de Kill Bill, avec Eric qui manie le katana et qui n’hésite pas à massacrer tout le monde.

C’est terriblement violent et sanglant.

Image tirée du film «The Crow» (Le corbeau)

Même s’il s’agit très certainement du personnage qu’il devait incarner, ce revirement de situation, qui survient plus d’une heure après le début du film, était inespéré et inattendu, et on n’y croit pas vraiment.

Le moins que l’on puisse dire, c’est qu’avec cette adaptation moderne, c’est tout ou rien.

The Crow pourrait peut-être (et encore là ce n’est pas sûr) satisfaire ceux et celles qui n’ont pas vu le classique de 1994, mais il risque de décevoir les autres, et plus particulièrement les fans inconditionnels. Il n’a pratiquement rien à voir avec celui-ci et ne bénéficie pas du tout de l’aura qui le rend aussi spécial encore aujourd’hui.

L’esthétisme soigné et les quelques scènes d’action plutôt intenses de la finale sont à peu près ses seuls points positifs.

Autre déception: on ne reconnaît pas vraiment l’univers de la bande dessinée du créateur James O’Barr qui a inspiré l’adaptation cinématographique.

Le classique, lui, était visuellement sombre et contrasté grâce aux images majoritairement dénuées de couleurs et aux jeux de lumière intéressants. Cet esthétisme unique était sans contredit l’arrière-plan parfait pour ce genre d’histoire et reproduisait de manière fidèle l’environnement dans lequel évoluait le personnage de la BD.

Le look d’Eric est, lui aussi, complètement différent. Skarsgård a dû se faire recouvrir le corps de tatouages et a hérité d’une coupe de cheveux de style «mulet», qui lui donne davantage l’allure du Joker en plus jeune, celui qu’interprète Jared Leto dans Suicide Squad. Son allure donne l’impression qu’on veut absolument nous faire croire qu’il est un dur à cuire.

Le look d’Eric Draven dans les années 1990 était, lui, assez simple. Ce dernier était uniquement vêtu de noir et ses longs cheveux en bataille laissaient présager une attitude cool et désinvolte, tout comme celle que devaient adopter les musiciens grunge de cette époque.

Ce style sobre d’inspiration gothique collait parfaitement à la peau de son personnage obscur qui devait, après tout, revenir d’entre les morts.

Même si la version originale de «The Crow» date d’il y a longtemps déjà, elle n’a rien à envier à l’adaptation moderne qui est actuellement en salle. Cette dernière n’est pas à la hauteur du classique à bien des égards. Si vous décidez quand même d’aller le voir, essayez de ne pas avoir trop d’attentes!

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