Cinéma
Crédit photo : Jean-Yves Létourneau
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L’Office national du film du Canada a effectué un véritable travail de moine pour rassembler des extraits d’entrevues, de spectacles et une multitude de photos de la vie de madame Julien pour créer ce documentaire. Le Fonds d’archives Pauline Julien de la Bibliothèque et Archives nationales du Québec (BAnQ), utilisé pour ce projet, contient encore des manuscrits et des chansons, de même que sa correspondance personnelle avec des chanteurs, écrivains, artistes et autres (Denise Boucher, Réjean Ducharme, Claude Gauvreau, Gérald Godin, notamment).
Avec une biographie de Louise Desjardins parue en 1999, ces archives sont parmi les seules preuves tangibles qu’on ait essayé de conserver une trace de son passage parmi nous après son décès tragique.
On connaît «L’âme à la tendresse» et «Mommy», reprise en ce moment par Émile Proulx-Cloutier, mais connaît-on vraiment la femme derrière ces succès? Comédienne, auteure, compositrice et interprète, bien sûr, mais aussi grande féministe et nationaliste trop souvent oubliée, Pauline Julien reçoit maintenant l’attention qu’elle mérite avec ce documentaire de l’ONF.
Pour la petite histoire, Pauline Julien est née à Trois-Rivières en 1928. Elle a joué au théâtre au Québec et en France lorsqu’elle était une jeune adulte, puis ce sont les cabarets parisiens qui ont vu ses premiers pas en tant que chanteuse. À Montréal, avant d’avoir son propre matériel, elle chantait Gilles Vigneault (et bien d’autres!) dans les bars et les soirées. Après plusieurs albums et un parcours qui lui aura permis de visiter des dizaines de pays, elle met fin à sa carrière solo en 1985.
Sa vie de militante, elle, commence à l’aube des années 1960, avec l’indépendance du Québec et la cause des femmes. Elle s’implique aussi en tant que bénévole envers les détenus et les moins bien nantis. Pendant le mois d’octobre 1970, elle fait partie des Québécois qui sont détenus pendant la crise, et son expérience en tant que nationaliste, ainsi que celle de son conjoint Gérald Godin, est illustrée dans le film Québec… un peu… beaucoup… passionnément…, produit en 1989, aussi par l’ONF. Neuf ans plus tard, le 1er octobre 1998, elle s’est donné la mort.
Près de 30 ans après ce premier documentaire et 20 ans après le décès de Pauline, c’est dans un climat politique particulier qu’arrive cette nouvelle production de l’ONF. Pauline Julien, intime et politique paraît dans un moment de l’histoire où le nationalisme a depuis longtemps été mis de côté et où les enjeux de la politique québécoise tournent autour des lunchs, de l’immigration et du nombre de bains donnés aux aînés. Les grands projets de société auxquels elle croyait sont encore quelque part dans les limbes, à se promener en attendant qu’on décide de leur sort. C’est donc avec une pointe de nostalgie, de tristesse et de fierté, qu’on aborde le visionnement du film…
Un autre hommage
Lors de la plus récente édition des Francos, un spectacle, La Renarde, sur les traces de Pauline Julien a aussi été présenté. Sur scène, des femmes de différentes générations se sont succédé pour faire revivre, en textes et en chansons, la force et la fragilité qui caractérisaient la Renarde. L’expérience sera bientôt répétée lors d’une performance à la Salle André-Mathieu de Laval en février 2019. La soirée mettra entre autres en vedette France Castel, Louise Latraverse, Émilie Bibeau, Isabelle Blais, Fanny Bloom et Amélie Mandeville.