«Shame»: critique du deuxième opus de Steve McQueen – Bible urbaine

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«Shame»: critique du deuxième opus de Steve McQueen

«Shame»: critique du deuxième opus de Steve McQueen

Publié le 22 décembre 2011 par Éric Dumais

Le réalisateur britannique Steve McQueen, créateur du très controversé Hunger (2008), récidive avec Shame (version française de La honte), un film intelligent et troublant mettant en scène l’acteur allemand Michael Fassbender (Inglourious Bastards, 300 et X Men: First Class) pour une seconde collaboration.

Steve McQueen a partagé sa plume choc et incisive avec le scénariste britannique Abi Morgan (The Hour, Sex Traffic). Pour les besoins du film, McQueen a fait appel à Michael Fassbender puisqu’il était, selon lui, le candidat idéal pour occuper le rôle du protagoniste: I want to work with the best actor there is, and I think he is, basically”, a-t-il déclaré dans un communiqué officiel.

Shame est un film réaliste et glauque qui nous plonge dans l’univers particulier de Brandon, un trentenaire établi à New York. Le protagoniste, qui ressemble drôlement au plus-que-parfait Patrick Bateman dans American Psycho, semble être à première vue un homme sain d’esprit: il a une personnalité attachante, possède un appartement avec une vue imprenable sur Manhattan, gagne très bien sa vie dans un grand bureau et, qui plus est, il est un redoutable séducteur auprès de la gent féminine.

Cependant, l’arrivée impromptue de sa sœur Sissie, une jeune chanteuse gagnant sa vie entre New York et Los Angeles, brime son intimité la plus secrète, car Brandon s’avère être, lorsqu’il est chez lui, un virulent consommateur de pornographie. S’il n’est pas au lit avec une prostituée, Brandon se masturbe dans sa salle de bains, se fait tailler une pipe par un homosexuel dans un bar crade de la ville, ou se délecte à coup de blowjob, creampie et de pénétration anale, le tout consommé avidement sur le web chez lui ou au bureau.

Avec Shame, Steve McQueen et Abi Morgan ont dressé le portrait d’un personnage intelligent et complexe que l’on retrouve, et c’est une réalité, en multiples fragments sur les traits de milliers d’autres inconnus. Et ces gens normaux, en apparence, fourmillent dans les grands centres urbains et sont tous à la recherche d’une seule et même chose: un plaisir artificiel et sans saveur. Brandon n’est pas malade ou mentalement atteint; il est le produit d’une société de consommation férocement brimée par une sexualité débridée, une pornographie sale et aberrante, ainsi qu’une violence lourdement réprimée. Le philosophe français Jean-Jacques Rousseau, qui a écrit le traité d’éducation Émile en 1762 et qui a dressé, par le fait même, le portrait type de l’homme parfait, doit à l’heure actuelle se retourner dans sa tombe, découragé.

Là où Steve McQueen et Abi Morgan ont excellé c’est décidément dans l’élaboration des traits caractéristiques de leur protagoniste. En effet, Brandon est un personnage vulnérable mais très avenant, comme le Patrick Bateman de Mary Harron. En plus, les deux hommes ont chacun évolué dans un contexte sociétal bien précis: une société de consommation noyée dans la déchéance et le capitalisme. Alors que pour Patrick Bateman les meurtres en série se multiplient et que l’espoir n’est plus qu’une pensée fugitive à l’horizon, Brandon, quant à lui, passe de l’homme désespéré à celui qui a finalement réalisé l’ampleur de ses actes.

Si vous avez l’occasion avant la frénésie des fêtes de visionner le second opus de Steve McQueen avant qu’il ne soit plus à l’affiche, courez-y pendant qu’il en est encore temps. La réalisation subtile et appliquée du réalisateur et l’usage des gros plans favorisent une parfaite proximité entre les personnages et les spectateurs. Et, entre vous et moi, il vaut toujours mieux payer le plein prix pour encourager le cinéma indépendant que de verser des millions de dollars dans les poches de mégaproductions sans fraîcheur telles que Alvin et les Chipmunks et autres niaiseries du même acabit.

Appréciation: ****

Crédit photo: Alliance Vivafilm

Écrit par: Éric Dumais

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