«Rush» de Ron Howard – Bible urbaine

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«Rush» de Ron Howard

«Rush» de Ron Howard

Après plusieurs tours de piste, enfin un tour de force

Publié le 16 octobre 2013 par Manuel Yvernault

Crédit photo : Les Films Séville

A y regarder de plus près, la filmographie de Ron Howard, si elle se veut divertissante, vieillit assez mal parmi ses anciens «succès» (Cocoon, Willow, Backdraft) et est presque surestimée à la vue de ses récents longs-métrages (Apollo 13 faisant exception). Reste dans une catégorie à part son drame historique, Frost/Nixon. À voir la carrure de Rush, il semblerait donc que ce soit l’exercice dans lequel il ait vraiment trouvé le plus d’aisance, autant par la qualité visuelle de son film que sur le plan narratif.

Faisant preuve d’une étonnante maturité dans son traitement, Ron Howard semble être passé dans un tout autre univers. Son cinéma se compose habituellement d’une dramaturgie très solide, touchante et très souvent «gentillette» dans les sentiments qu’il tente d’explorer.

Pourvu ici d’une base solide, en plus du drama classique, c’est surtout vers le drame sportif que se dirige le film. Il y a bien sûr les points inhérents au genre, avec ses rebondissements ainsi que ses accomplissements sportifs et humains, c’est donc toute une composante du genre qui est ici réunie.

Or, même avec tous ces éléments, il aurait été possible de passer à côté. Conscient des forces qui composent son histoire, une année 1976 exceptionnelle de rebondissements sur le terrain de la Formule 1, et deux héros que tout oppose, un qui vie comme si chaque jour était le dernier, l’autre dont la rationalité est un mode de vie. Si bien que cette confrontation ne demandait qu’à être mise en scène au cinéma, comme une évidence.

Pour cela, Ron Howard a réussi en toute simplicité son biopic. La mise en scène des courses est dynamique, se recentre toujours sur l’essentiel de l’action, beaucoup de plans de coupe, au plus proche des moteurs, par exemple, incrustations sur écran télé des images d’époque. Mais nous sommes tout de même loin de la démonstration et de la surenchère de Driven. Autant sur le plan visuel que sonore l’immersion se fait par un découpage très maîtrisé.

À cela s’ajoutent une photographie et des couleurs qui rappellent furieusement les années 70. Pour les accents «dramatiques» du film, Ron Howard n’a pas forcé sur les clichés qui composaient ses films passés. Plus direct, loin de la guimauve tragique, il recentre l’émotion de son film sur l’opposition de ses deux «héros», opposition qui dépasse la fiction puisque cet élan dramatique est le réel reflet de leur affrontement. Histoire d’hommes, composée également d’un profond respect.

À travers cette réussite visuelle où chaque instant tant à être sublimé, il convient également de saluer le scénario qui, dans sa structure, capte parfaitement et sème judicieusement les enjeux dramatiques du film. Ce qui marque le plus, c’est le fait qu’il retranscrit avec fidélité les instants véridiques; les comédiens, dont la vedette Chris Hemsworth, sont d’une ressemblance étonnante, d’une justesse de jeu remarquable.

Il aurait été cependant facile de passer à côté ou même de surenchérir les nombreux faits réels dans le film. Or, on reste toujours entre un respect des faits et une mise en abîme très cinématographique. Aidé par le fait que la Formule 1, à l’époque, était dans son âge d’or, où les pilotes étaient sacrés telles des stars et mettaient vraiment leur vie en jeu.

C’est bien là la réussite du film, nous faire passer de scènes d’actions composées d’instants furieux à épiques, sur un fil conducteur dramatique qu’on ne pouvait imaginer plus cinématographique.

Si, dans sa structure et son approche, Rush ne bouleverse pas les codes du drame sportif, il se les réapproprie avec talent par un Ron Howard en grande forme, qu’on sent impliqué dans les grandes largeurs par son sujet. En résulte un film très efficace, un drame sportif parmi les plus beaux réalisés, et ce, par l’opposition et la complémentarité primaire des caractères de ces deux personnages principaux.

C’est avec ce mélange hautement inflammable que Rush trouve la ressource pour arriver sur le podium des films sportifs les plus réussis, et Ron Howard avec son premier prix, mérité cette fois.

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