CinémaCritiques de films
Matteo Garrone s’attaque encore à un pan de la société, cette fois-ci avec une légèreté trompeuse qui, à l’instar de son exploration (pour ne pas dire immersion) du milieu mafieux de l’Italie, bien illustrée dans Gomorrah, s’intéresse cette fois-ci à la véritable folie entourant le vedettariat à deux sous. Si sa mise en scène impressionne, le film ne parvient pas entièrement à convaincre, à défaut de bien divertir.
Sujet universel quand tu nous tiens, il est difficile de ne pas se retrouver soi-même ou un proche dans la réalité dépeinte par le cinéaste. Ce milieu palpable d’une classe moyenne qui aspire à mieux en rêvant secrètement à des rêves impossibles, une célébrité au bout des doigts et une richesse inaccessible, on y a tous, ou presque, rêvé à un moment ou à un autre de notre vie. Cependant, alors que Lauren Greenfield a déjà traité le sujet sous la forme du documentaire dans The Queen of Versailles, puis Woody Allen avec fantaisie dans To Rome With Love, tout en conservant le même cynisme, Garrone s’intéresse ici à l’aspect obsessionnelle de la chose qui ajoute à l’ensemble une tournure des événements fort intéressante.
Ainsi, ce vedettariat tant souhaité, on se doute rapidement qu’on ne fera que le frôler aux nombreux passages sans jamais y accéder. Cet inquiétant espoir faussé, du coup, transformera peu à peu notre protagoniste en un être aliéné, menant vers une critique évidente mais brillamment détournée de l’abus de visionnement de télévision.
Le hic, toutefois, c’est que ce protagoniste, qui ressemble à ce monsieur-tout-le-monde, lequel est interprété avec énergie par le détenu Aniello Arena, est définitivement insupportable. Bien sûr, on ne pouvait passer outre, puisque ce qu’il représente est tout sauf recommandable mais, conséquemment, cela rend plus dur l’appréciation du film, puisqu’on ne parvient pas à s’identifier à celui avec qui on passe le plus de temps.
L’objet en devient alors un de curiosité. Si on devine ici et là quelques avancées, on joue d’une mise en abyme avec la fonction première de la téléréalité en succombant au voyeurisme pour découvrir jusqu’où cette histoire mènera. On observe les réflexions exagérées de ce vendeur de poisson qui délaisse tout, sa famille inclus, en croyant faire les sacrifices nécessaires pour atteindre une vie meilleure en participant à un genre de Loft Story minable. Dieu merci, l’œil fasciné de Garrone sauve souvent la mise en transformant le tout en une espèce d’anti-fable ou conte, au sein duquel rien ne se passe comme prévu et où le réalisateur évite de glorifier les rêves imbéciles qui ne sont pas exploités à terme. Avec un rythme minutieux et des personnages fraîchement éclatés, on prend plaisir à l’ensemble, malgré les baisses de rythme çà et là, ainsi que les certaines vagues de désintérêt qui nous gagnent, selon notre facilité ou non à s’intéresser au sort des autres.
C’est donc sous les mélodies enchantées d’Alexandre Desplat qu’on décidera à pile ou face si on décide ou non de tomber sous le charme de cet ensemble, étant incapable de nier la grande efficacité de l’ensemble et le certain brio de la réflexion. Si le tout manquera d’un petit je-ne-sais-quoi pour crier au génie, on ne cachera pas qu’on y passera certainement un bon moment.
Reality prend l’affiche au Québec dès aujourd’hui.
Appréciation: ***
Crédit photo: Métropole Films
Écrit par: Jim Chartrand