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Crédit photo : www.nouveaucinema.ca
Quiconque a vu Rubber n’a certainement pas oublié cette curiosité de sitôt. C’était le fameux film du pneu qui tue des gens avec sa «pensée». Toutefois, au-delà de la prémisse loufoque qui était développée avec doigté, beaucoup ne percevaient pas les autres degrés reliés au sujet. On pense à ces ambitieux, amusants et fort intéressants questionnements sur l’attente et l’impatience du spectateur, et son désir de toujours désirer le plus tape-à-l’œil des spectacles, notamment.
Wrong et Wrong Cops ont continué de s’amuser dans la même lignée d’une sorte de non-quête du sens de la vie et, en poursuivant ces réflexions avec Réalité, Dupieux s’intéresse cette fois aux possibilités narratives, prenant un malin plaisir à dupliquer les mises en abîme et à repousser les limites du métafilm, c’est-à-dire d’un film sur un film sur un film sur un film…
Pour résumer l’histoire, on pourrait se concentrer sur Jason (prononcez Dja-Zon), le personnage d’Alain Chabat, un caméraman qui a envie de réaliser son premier film et qui lance son idée à un producteur: des télés qui tuent des gens. Emballé, le producteur est prêt à signer à condition que le meilleur cri de mort et d’agonie soit inclus dans ce film et que ce dernier soit trouvé dans les 48 heures.
On pourrait également se concentrer sur le personnage de Jon Heder (Napoleon Dynamite en personne!), qui déambule un peu partout dans son costume de rat. Ou sur la femme de Jason, psychologue plutôt froide interprétée par Elodie Bouchez. Il y aussi cette petite fille qui trouve une cassette vidéo dans les entrailles d’un animal, dont les bandes ont été filmées par un réalisateur ambitieux, mais pratiquement sans-abri, et on en passe!
Pourtant, bien que disparates, toutes ces couches se coupent, se recoupent, se multiplient, se croisent et s’amalgament dans une spirale plutôt incroyable qui, sans jamais véritablement atteindre un sens, produit une folie qui biaise le spectateur tout en l’impressionnant beaucoup. Après tout, l’ensemble est ponctué de moments d’anthologie où l’hilarité prédomine et, en termes d’absurdité, c’est certainement l’une des offrandes les plus singulières qu’on s’est fait offrir cette année.
Mieux, visuellement, la production est léchée. Les lieux sont choisis avec minutie et notre regard apprécie grandement la subtilité des décors et des cadrages, principalement chez le producteur qui expose des bureaux d’un luxe colossal.
Réalité est donc une proposition pour cinéphiles avertis ou pour tous ceux qui suivent de près la carrière unique de Dupieux, qui a écrit, réalisé, filmé, monté et mis en musique et en images son propre film, comme il a souvent l’habitude de le faire. C’est son projet, son univers, il le maîtrise à merveille et il a l’humilité de l’offrir avec bonheur à un public abasourdi, autant pour le meilleur que pour le pire. Amusant et des plus confondants.
Vous pourrez voir «Réalité» dans le cadre de la section «Temps Ø» du Festival du Nouveau Cinéma le vendredi 10 octobre à l’auditorium Alumni de l’Université Concordia à 21 h ou le samedi 11 octobre au Quartier Latin à 17h, et ce, en présence de Quentin Dupieux. La projection du 10 octobre sera également suivie d’un dj set de Mr. Oizo dès 22 h à la SAT.
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