CinémaCritiques de films
Crédit photo : Festival international de films Fantasia
L’univers d’Alberto Vázquez et de Pedro Rivero est noir, presque morbide, violent mais toujours poétique. Un mélange fin cherchant toujours l’équilibre entre l’espoir et la mélancolie. Pour la suite des aventures de Birdboy, le duo de cinéastes reprend l’histoire là où il l’avait laissée. L’amour de Dinki et Birdboy est malmené dans leur petite île. Une île paradisiaque transformée en immense déchetterie depuis l’explosion de la centrale nucléaire. Si Dinki ne supporte plus la vie là-bas et cherche un moyen de s’échapper, la quête du Birdboy semble intérieure et liée à l’histoire du vieux phare.
«Tout ce qui a un corps n’est pas vivant», lance l’un de ces enfants oubliés pour décrire Birdboy. Cet adolescent solitaire vole et parle aux oiseaux. Un don hérité de son père qui fait très peur aux habitants de l’île. La police (dessinée sous les traits de chiens de chasse) cherche à abattre ce Birdboy qu’elle considère comme un danger pour leur communauté. Pour ne rien arranger à sa mauvaise réputation, Birdboy prend diverses drogues. Cette consommation n’est jamais jugée par les réalisateurs qui profitent des ces hallucinations pour faire quelques jolies arabesques psychédéliques.
Les enfants oubliés, eux, sont des charognards vivant dans la partie poubelle de l’île. Sans être les personnages principaux, ils donnent leur nom au long-métrage. Cela rappelle un peu l’œuvre de James Matthew Barrie et les enfants perdus de l’île imaginaire. Si dans Peter Pan les enfants sont juste perdus, ils sont ici oubliés. Pour les réalisateurs, Il y aurait eu une aggravation dans le désespoir et le manque de confiance dans le futur que représente l’âge adulte.
Dans Psychonauts, les générations ne se comprennent pas et ne se parlent pas. Les parents sont dans une fièvre du passé et les adolescents vivent avec colère ce présent qu’ils n’ont pas choisi. Le bonheur pour eux n’est pas dans l’île, mais dans la recherche d’un ailleurs. Cette autopsie d’une génération sacrifiée semble une parabole de la crise économique que vit l’Europe depuis presque dix ans.
Sans être politique, le long-métrage aborde beaucoup de questions actuelles. Outre le conflit générationnel, il s’essaye à une critique écologique sur la surconsommation, mais parle aussi des envers de la drogue. On a l’impression que les réalisateurs veulent trop en faire et trop en dire en seulement 80 minutes. Si on ne s’ennuie jamais, la fin est loin d’être rassasiante: beaucoup de pistes narratives restent inachevées. Et le semi happy-end sonne comme construit et presque hors propos.
Cela n’enlève rien à la magie de ce conte noir. La plus grande réussite du film est sa beauté visuelle.. Chaque planche, chaque paysage, chaque personnage est magnifique. Tous les protagonistes sont travaillés avec un incroyable souci du détail. Cela donne une profondeur à ces petits êtres mi-animaux, mi-humains. Les cinéastes ont voulu raconter cette histoire violente avec des couleurs pastel et des esquisses enfantines qui apaisent le désenchantement de l’intrigue.
Beaucoup de belles images dans ce film d’animation sans pareil: il y a par exemple cette métaphore où la mère malade du petit cochon est dessinée avec une araignée sur la tête qui grossit et grossit lors de la prise de médicament. Une mère voulant garder son fils dans sa toile. Les réalisateurs se prennent un peu pour Miyazaki et l’hommage trop lourd les fait se perdre dans des voies sans issues. Il en reste un film d’animation cruellement pertinent qui pointe définitivement deux voix à suivre dans le cinéma espagnol contemporain et qui nous fait espérer un nouvel épisode aux aventures de Dinki et Birdboy.
Ci-dessous, vous pouvez apprécier le court-métrage Birdboy à l’origine du film.
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de la rédaction