CinémaDans la peau de
Crédit photo : Carmen Rachiteanu
1. Akim, on va commencer par la base. Comment est-ce que tu t’es retrouvé à être réalisateur?
«En 1998, j’ai fait un camp d’une semaine d’initiation au cinéma. J’ai eu le sentiment d’être à ma place. Quelques jours plus tard, j’ai emprunté la Sony Hi8 à mon père, j’ai commencé à filmer des trucs. J’avais 9 ans. Je fais des courts-métrages depuis ce temps.»
«Une fois mon secondaire terminé, j’ai crissé mon camp de Granby et je suis venu à Montréal. Je n’ai pas fait d’études. Je suis également monteur, c’est principalement ce qui me fait vivre. Je réalise à travers ça des projets.»
«Je ne sais pas trop comment je me suis retrouvé à faire ça. Comme j’ai su très jeune ce que je voulais faire, j’ai l’impression que je fais exactement la même chose depuis toujours. Y’a que les outils de travail qui changent.»
2. On connaît ton travail pour les clips d’entre autres VioleTT Pi, Antoine Corriveau, Klô Pelgag et Philippe Brach, qui ont tous des univers assez différents et imagés. Comment est-ce que tu abordes un nouveau projet en collaboration avec un artiste?
«En fait, personne ne me connaît ni même Klô, Antoine ou Phil. Si tu demandes à ton oncle “C’est qui eux autres?”, ses pupilles vont se dilater.»
«Les univers des clips sont différents, car leur musique n’inspire vraiment pas la même chose. J’écoute les chansons comme si je ne comprenais pas les paroles (c’est souvent le cas) et j’y vais avec ce qui m’inspire. Souvent, j’essaie d’aller dans les zones où je ne suis pas allé, mais ce n’est pas une collaboration totale, c’est plus un respect mutuel pour l’art de l’autre.»
«J’aime leur musique, s’ils m’abordent j’imagine qu’ils aiment un peu les histoires en images que je raconte. Souvent, il y a des mini accrocs en clip quand tu es réalisateur. Normalement, tu veux faire une œuvre avec la musique (donc une autre œuvre), et tu deales avec des labels qui veulent seulement un clip comme un outil de promotion.»
«Je connais très peu d’artistes musicaux qui sont véritablement satisfaits de leurs vidéoclips, et je les comprends totalement. Pas parce que les clips sont nuls, seulement parce que c’est vraiment complexe à faire fitter ensemble. J’essaie du mieux que je peux de respecter la ligne directrice du projet, tout en me disant qu’il doit y avoir une raison pour laquelle ils choisissent une personne plutôt qu’une autre.»
«Je me suis également un peu menti en me faisant croire que j’aimais les clips. Je m’en servais pour nourrir ma soif de tourner, de créer des trucs. J’ai toujours poussé pour mettre le plus d’acteurs et de dialogues possibles dans mes clips, car j’ai toujours voulu faire du cinéma. Dernièrement, avec un peu de recul, je me suis rendu compte que je n’avais pas vraiment fait de clips, j’ai fait des courts-métrages avec de la bonne musique par-dessus. C’était inconscient, maintenant je le sais, et c’est la raison pour laquelle je dois essayer de pousser mes projets dans le bon format.»
«Quand un clip a des millions de views, c’est juste parce que la toune est bonne. Le clip peut être magnifique, mais au final, quand tu veux écouter du Klô Pelgag, tu t’en câlices de l’histoire en image de la petite fille qui va porter les cendres de son chien que le réalisateur te montre. Reste que c’est un honneur et un réel plaisir de travailler avec des gens que j’admire.»
«Je n’ai pas réalisé de clip depuis un petit bout, et j’avoue que ça me manque. C’était devenu une stabilité, comme un effort artistique que je m’imposais. J’ai hâte au prochain album de mon frère (ndlr Karl Gagnon de VioleTT Pi) pour en refaire un. Car non, JE NE FERAI PAS UN AUTRE ESTI DE CLIP À ANTOINE CORRIVEAU. C’est clair, Tony!?»
3. Peux-tu nous raconter l’aventure de ton court-métrage Fontaineblues?
«J’ai écrit le scénario il y a trois ans. Je l’ai envoyé à sept ou huit boîtes de production et j’ai eu des réponses négatives pour le dépôt. Je les comprends, le scénario faisait 40 minutes à la base. Après les refus, fidèle à mon habitude, et en bon Québécois moyen, j’ai chialé sur Facebook, j’ai crié à la lune que les gens ne me comprenaient pas, j’ai bu, j’ai fait la danse de l’artiste incompris, puis je me suis réveillé dans un état lamentable, me disant que j’allais produire moi-même mon court-métrage.»
«Ce faisant, je l’ai réécrit avec Laurence Gough, une amie auteure, ainsi qu’avec Catherine Chabot, une comédienne et auteure souvent nue sur les scènes de théâtres montréalais. Catherine est également mon actrice préférée, mais elle ne joue pas dans le film, car la vie est un éternel paradoxe.»
«Bref, j’ai envoyé mon scénario à Rose-Anne Déry et à Christine Beaulieu, elles l’ont aimé. Le projet a dormi plusieurs mois. Puis j’ai eu un contrat de montage en pub de plus d’un mois. Je me suis ramassé suffisamment d’argent pour financer les frais de base de mon tournage. Une amie a accepté de faire la production, tout le monde est venu gratuitement, et nous l’avons fait. J’ai réduit le scénario à neuf minutes et j’ai ajouté un personnage, celui de Daphné Côté Hallé. Ce fut ma plus belle aventure à vie.»
«Je suis fier du film. Il traite de maladie mentale et il y a une longue joke de pisse. Il me ressemble, je pense.»
«J’ai eu une diffusion au Rendez-vous Québec Cinéma, j’ai fait la danse de la joie. J’ai été refusé à Regard et à Cannes, j’ai fait la grande danse de l’artiste incompris. J’ai un diffuseur qui va l’inscrire dans 100 festivals, je suis donc stand-by pour une des deux danses. Ha oui! fait cocasse, quelques jours avant de tourner, un gentil mécène a décidé de produire et de financer le film. J’ai dansé la danse de l’argent et de la bonne bouffe au Montréal Plaza (ça ressemble un peu à la danse du Homer-Dansant à Capital City). Ce film m’a beaucoup appris. Je n’en retiens que du bon, ça m’a permis de mettre mes anciennes expériences moins agréables au cafoutche et d’aller de l’avant.»
4. Qu’est-ce qui te nourrit le plus artistiquement dans ton travail, et pourquoi?
«Bonne question. Il y a que la première fois que j’ai vu mon court-métrage sur un écran de cinéma que je pense avoir été vraiment satisfait. J’ai toujours faim, j’imagine que c’est pareil en art.»
5. L’année 2017 était remplie de beaux projets de ton côté. En 2018, qu’est-ce qui s’en vient pour toi, ou qu’est-ce que tu aimerais accomplir cette année?
«Depuis le début de l’année, je me questionne. À la fin de 2017, j’ai fait une websérie, ce n’était pas mes textes, je remplaçais un réalisateur qui avait quitté. J’ai aimé l’expérience, j’ai aimé la rencontre des gens, mais au final, quand je regarde le résultat, je ne trouve pas que ça me ressemble beaucoup.»
«Ça ne me dérange pas du tout, mais ça m’a fait réfléchir sur la notion de travail et la notion de passion. Comme mon travail est ma passion, je me trouve automatiquement chanceux chaque fois que j’ai la chance de tourner et d’être payé pour. Mais, je me suis éloigné tranquillement de mon but premier. J’aime les clips, j’aime les courts-métrages, j’aime les webséries… j’aime tous ces trucs-là, mais la chose qui me fait vibrer depuis toujours est de faire un film. Alors je dois focusser là-dessus et y mettre les bouchées doubles.»
«J’ai pris conscience que certaines personnes avaient une passion, puis un emploi, moi c’est un seul élément de ma vie. Donc je dois, à travers cette job-là, trouver la façon de diviser les projets et de me dire que je fais telle affaire pour apprendre, telle affaire pour me nourrir et telle affaire parce que ça me fait vibrer. En 2018, je veux me concentrer sur une fiction et un documentaire.»
Pour consulter nos précédentes chroniques «Dans la peau de…», visitez le labibleurbaine.com/Dans+la+peau+de…
L'événement en photos
Par Flamme (Camille Gladu-Drouin)