Les webséries démystifiées, de «Féminin/Féminin» à «Camille raconte», au FNC Pro – Bible urbaine

Cinéma

Les webséries démystifiées, de «Féminin/Féminin» à «Camille raconte», au FNC Pro

Les webséries démystifiées, de «Féminin/Féminin» à «Camille raconte», au FNC Pro

La télé est morte, vive la #télé

Publié le 22 octobre 2014 par Ariane Thibault-Vanasse

Crédit photo : www.nouveaucinema.ca

Au début, la radio. Média révolutionnaire qui a changé la dynamique des chaumières, la radio a eu la frousse de sa vie avec la venue de la télévision. Cette dernière s'est immiscée dans le salon des gens, remplaçant la messe par les grands-messes du dimanche soir. La radio n'a eu d'autres choix que de se renouveler. Et elle perdure. Avec Internet et les multiples façons de consommer des émissions de télévision, on pourrait croire les prédicateurs et leurs funestes prophéties concernant la disparition lente et agonique de nos écrans cathodiques. Or, la télévision n'est pas morte. Elle se transforme et s'adapte. Avec pour apothéose la webtélé.

L’ambiance était décontractée au FNC Pro mercredi dernier. Artisans du milieu et autres badauds avaient néanmoins l’oreille attentive pour la série de conférences qui s’est déroulée au Coeur des sciences de l’UQÀM. Tous étaient fébriles de mieux comprendre le nouveau phénomène qu’est la websérie d’aujourd’hui, à ne jamais confondre avec des tentatives modestes de jeunes rookies du Web du début des années 2000, qui concoctaient des vidéos en direct de leur sous-sol. Divers panellistes ont mis au goût du jour cette manière actuelle de faire de la télé de qualité dans le contexte technologique actuel.

 «Tout le processus d’écriture d’une websérie va être marqué selon le précepte que l’auditeur n’a pas le temps d’attendre. L’important, le punch, doit être au début», explique Véronique Marino, consultante et directrice du programme Médias interactifs à l’INIS. Cela vient donc changer du tout au long la manière d’écrire et de concevoir une série. L’exercice de scénarisation doit donc intégrer de nouveaux codes afin de s’adapter au Web. «La recette parfaite pour être un bon auteur de webtélé est la rigueur, poursuit-elle. Il faut un univers et une histoire unique, une structure dramatique solide, des personnages forts, des dialogues utiles et percutants et une durée maîtrisée. Il y a peu de moyens en webtélé, donc tout doit être fait de manière efficace.»

Une nouvelle approche scénaristique qu’a tout de suite adoptée la réalisatrice Chloé Robichaud, qui a troqué le grand écran pour le plus petit avec sa websérie Féminin/Féminin. «Ce n’est pas une série en continu, c’est-à-dire qu’à chaque épisode on se concentre sur une nouvelle réalité et ça c’était un défi scénaristique», indique la créatrice qui était accompagnée par Florence Gagnon, présidente de Lez Spread the World, la plateforme qui héberge la série. 

webserie 3 Chloé Robichaud

Adapter sa vision scénaristique n’est pas suffisant pour affronter le média internet. Il faut également repenser le marché et la plateforme à utiliser. «Un certain modèle se dessine tranquillement. Il y a un réel public au Québec pour la consommation de webtélé», encourage Véronique Marino. Il n’y a qu’à jeter un coup d’oeil aux chiffres de la compagnie Netflix pour en être convaincu: 50 millions d’abonnés en Amérique du Nord. Les tribulations de Francis Underwood, protagoniste de la série maison de Netflix, House of Cards, ont d’ailleurs fortement inspiré les créateurs d’ici, et l’influence du géant de la vidéo sur demande se fait grandement ressentir. Ne serait-ce que pour le mode de diffusion bien différent de celui plus traditionnel de la télévision comme on la connaît. 

«Lors du lancement de la série le 18 juin dernier, tout a été diffusé dans un seul bloc, comme pour House of Cards ou Orange is the New Black. C’est inspiré de ces émissions c’est certain, parce que c’est comme ça que les gens consomment de la télé. C’est comme ça que je consomme de la télé», admet Chloé Robichaud. Et son cas n’est pas unique. Les têtes pensantes derrière Camille raconte, websérie d’animation à l’humour virulente, ont adopté la même stratégie. «Nous aussi on a utilisé la méthode du Binge Watch, c’est-à-dire tout sortir en même temps», commente Bruno Mercure, le producteur. 

webserie 10 Bruno Mercure et Vincent Ethier

L’obsession du clic

Si la clientèle des webséries est fidèle au poste, il y a encore du chemin à faire pour trouver du financement. Comme c’est plus complexe d’observer directement les répercussions économiques sur le Web, les compagnies sont plus frileuses à l’idée d’investir dans de tels projets. Et bien souvent ce sont les créateurs qui doivent piger dans leur tirelire pour pouvoir poursuivre leurs ambitions. «Il y a eu un buzz autour du premier épisode, qui nous a permis de financer le reste de la saison, mais on a quand même dû faire des investissements de nos propres poches», expose Chloé Robichaud. Malgré les 20 000 visionnements lors de la première soirée et les 646 100 à ce jour pour Féminin/Féminin, Florence Gagnon et elle-même n’ont toujours pas terminé de se rembourser. Même dans la recherche de financement il faut prêcher la créativité, soutiennent-elles.

Dans la poursuite du plus grand nombre de clics, comme à la télévision traditionnelle, la publicité est de mise. À la différence que les terrains de jeu de la webtélé pour se faire connaître sont les réseaux sociaux et que c’est gratuit. «Il ne faut pas négliger le pouvoir de ceux qu’on appelle les influenceurs sur les réseaux sociaux, démontre le producteur de Camille raconte, Bruno Mercure, à l’aide d’un graphique plus que probant sur le phénomène. «Notre premier peak de visionnement à été atteint après un tweet de Dominic Arpin. Le second, c’était grâce au site Petit Petit Gamin, et le troisième, après une référence par Mc Gilles.» Si la vidéo devient virale, l’objectif est atteint.

Les réalisateurs et scénaristes désirant se plonger dans l’univers de la websérie devront s’armer de patience et de beaucoup de volonté devant la concurrence gargantuesque. Néanmoins, Véronique Marino dédramatise les parcours souvent semés d’embûches: «En webtélé, la réussite peut être énorme, mais l’échec est invisible sur le Web.»

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