«Les trésors enfouis de Netflix» – Mars 2016

1. «Safety Not Guaranteed» de Colin Trevorrow

Jeune stagiaire à la rédaction d’un magazine, Darius (Aubrey Plaza) est envoyée découvrir ce qui se cache derrière une petite annonce des plus insolites. «Wanted: Someone to go back in time with me. This is not a joke. You’ll get paid after we get back. Must bring your own weapons. Safety not guaranteed. I have only done this once before.» Cette mission la mènera dans le petit village côtier d’Ocean View, où un simple commis de supermaché nommé Kenneth (Mark Duplass) prétend avoir construit une machine à voyager dans le temps. Comme pour Seeking a Friend for the End of the World, dont nous avons parlé le mois dernier, cette thématique à saveur science-fictive est d’abord un prétexte pour traiter du moment présent. Ainsi, Safety Not Guaranteed focalise simplement sur ses personnages, leurs petits travers et les relations florissantes ou défaillantes qui les unissent, plutôt que sur une aventure spatiotemporelle extravagante. Une comédie modeste, mais tout aussi charmante.

2. «We Need to Talk About Kevin» de Lynne Ramsay

Certains films sont si sombres et si troublants qu’on se jure de ne plus jamais les regarder, et pourtant on y repense sans cesse, même plusieurs semaines après visionnement. D’après le roman éponyme de Lionel Shriver, We Need to Talk About Kevin met en vedette l’incomparable Tilda Swinton dans le rôle d’une mère brisée, soumise aux éternelles malfaisances de son adolescent (Ezra Miller), dont le caractère sociopathique – voire purement diabolique – semble dater de sa plus tendre enfance. Dans une chronologie fragmentée, le film remonte à la naissance de ce dernier et culmine vers un ultime incident de défiance envers sa mère, exposant l’une des questions fondamentales de la psychologie humaine: le Mal est-il acquis ou inné? Ce troisième long-métrage de Lynne Ramsay n’est pas une expérience agréable, mais toute une expérience néanmoins, à regarder seul(e)… À condition d’avoir quelqu’un à qui parler par la suite.

3. Le documentaire «The Imposter» de Bart Layton

Parfois, la réalité dépasse la fiction. On l’a constaté récemment grâce au succès phénoménal de la série Making a Murderer et, comme cette dernière, The Imposter relate d’un récit absolument incroyable, mais vrai. Porté disparu depuis le 13 juin 1994, le jeune Nicholas Barclay de San Antonio (Texas) est retrouvé sain et sauf, plus de trois ans plus tard, dans un petit village en Espagne. Après avoir livré le récit horrifiant de son kidnapping aux autorités locales, il est rapatrié aux États-Unis où sa famille, profondément bouleversée, l’accueille à bras ouverts. Pourtant, comme le titre du documentaire l’indique, cet adolescent n’est pas exactement celui qu’ils attendaient. Mais comment ne peut-on pas reconnaître son propre fils, son propre frère? Et quelles pouvaient être les motivations derrière ce subterfuge? The Imposter propose quelques réponses, plusieurs nouvelles questions, et autant de rebondissements que dans tout bon thriller policier. On n’en revient simplement pas.

4. «Ruby Sparks» de Jonathan Dayton & Valerie Faris

Jonathan Dayton et Valerie Faris sont mari et femme. Après plus de vingt ans à réaliser ensemble des vidéoclips pour R.E.M., The Smashing Pumpkins, The Ramones, les Red Hot Chili Peppers et autres artistes formidables, ils ont surpris tout Hollywood en 2006 avec leur adorable Little Miss Sunshine, raflant deux Oscars et une flopée d’autres récompenses au passage. Bien qu’il n’ait évidemment pas connu autant de succès que ce dernier, leur second long-métrage mérite amplement la petite heure-et-demie qu’il faut pour l’apprécier. Le très polyvalent Paul Dano (There Will Be Blood, Prisoners, Love & Mercy) y interprète un écrivain idéaliste qui, après avoir imaginé et posé sur papier la femme de ses rêves, la retrouve en chair et en os au beau milieu de son appartement. Ruby Sparks est une comédie romantique conventionnelle, certes, mais on se laisse si facilement conquérir par ses personnages qu’elle parvient vraiment à nous faire voir la vie rose.

5. «It Follows» de David Robert Mitchell

Dans l’univers du cinéma d’horreur, on croirait qu’il est de plus en plus difficile de proposer du contenu original et de qualité… Or, ce sont des films comme celui-ci (ou encore comme The Witch de Robert Eggers) qui prouvent que le récent remake de Poltergeist était blasphématoire et parfaitement inutile. It Follows repose sur une prémisse bien curieuse: Après une innocente aventure d’un soir, une adolescente est traquée par une force malveillante infatigable, qui avance vers elle lentement mais sûrement, empruntant la forme de n’importe quel être humain à proximité. Lancinant, taciturne et d’autant plus inquiétant, ce film rappelle les légendes urbaines que l’on se racontait autrefois autour d’un feu de camp, avec son caractère intemporel, ses sinistres métaphores et, surtout, son essence cauchemardesque. Quoi de plus effrayant qu’une entité invisible pouvant se cacher derrière n’importe quel visage connu?