Le très attendu «Foxcatcher», avec Steve Carell, Channing Tatum et Marc Ruffalo – Bible urbaine

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Le très attendu «Foxcatcher», avec Steve Carell, Channing Tatum et Marc Ruffalo

Le très attendu «Foxcatcher», avec Steve Carell, Channing Tatum et Marc Ruffalo

Une clé de bras à l'américaine

Publié le 19 décembre 2014 par Ariane Thibault-Vanasse

Crédit photo : Métropole Films

Plus qu'un regard sur des athlètes singuliers, le drame sportif dresse le portrait d'une société et des valeurs qui la représentent. Foxcatcher, le dernier opus du réalisateur Bennett Miller, ne fait pas exception à la règle. Mis à part qu'à l'inverse des films sirupeux et bien pensants qui affluent dans le genre, le film, qui met en scène un champion de lutte et son entraîneur peu orthodoxe, arrive à surprendre le spectateur au détour par une habile construction psychologique des personnages.

Avec Foxcatcher, Bennett Miller, à qui l’on doit notamment le brillant Capote (2005) et le très touchant Moneyball (2011), s’attèle à nouveau au drame sportif en délaissant le baseball ou la lutte. Le réalisateur qui fait des histoires vraies son cheval de bataille, raconte celle du champion du monde et médaillé olympique Mark Schultz (Channing Tatum, qui livre une performance honnête) et de sa collaboration avec l’excentrique multimillionnaire John E. du Pont (Steve Carell, qui offre une performance dont on se rappellera longtemps) à titre d’entraîneur. Ce dernier, philanthrope et ornithologue à ses heures, sauve des eaux l’athlète de l’ombre de son talentueux frère (Mark Ruffalo), également médaillé d’or en lutte. Pour redorer le blason des États-Unis en plein naufrage, pour redonner de l’espoir aux Américains en leur ferveur patriotique, Mark acceptera de laisser sa carrière entre les mains de John du Pont. 

Le trio d’acteurs composé de Steve Carell, Channing Tatum et Mark Ruffalo se hasarde à un jeu très physique efficace, mais jamais au détriment de l’authenticité de leurs émotions. Dans un cadre souvent serré, ne laissant souvent qu’entrapercevoir des bribes de muscles et des gouttes de sueur, les corps des protagonistes se mêlent et se confondent. Illustrant du coup les paradigmes analogues auxquels fait face le trio. Solitude, famille, amitiés difficiles, acceptation des pairs, Bennett Miller a beaucoup a dire sur ces sempiternelles sacro-saintes valeurs qui tracassent bon nombre de gens. Si cela semble beaucoup de sujets à aborder pour un unique film, le cinéaste réussit à traiter de chacun avec subtilité. La mise en scène grandiose et évocatrice est également à souligner. Beaucoup de grâce s’en échappe!

Par un scénario solide de E. Max Frye et de Dan Futterman, Foxcatcher va à l’essentiel en élaguant en toute connaissance de cause des éléments de l’histoire originale de John du Pont. Les auteurs se sont approprié la vie du mécène pour rendre le film plus concis. Grâce au jeu nuancé de Steve Carell (méconnaissable sous ses prothèses), qui est davantage reconnu pour ses projets de comédie, le personnage de John du Pont prend une dimension extraordinaire. De patriote que l’on voudrait suivre jusqu’au bout du monde, il devient le symbole du lendemain de veille brutal avec lequel le pays de l’oncle Sam s’est réveillé. Quand cet entraîneur du dimanche réalise que le pouvoir et l’argent ne sont pas garants du rêve que ses ancêtres, magnats d’une compagnie de produits chimiques, lui ont fait reluire, il sombrera. Bennett Miller prépare d’ailleurs le terrain tout au long de Foxcatcher à cette chute, violente et irrévocable, en semant avec une minutie maniaque des détails qui décèlent la fragilité psychologique de cet olibrius. 

Même si certaines longueurs étirent inutilement le film, Foxcatcher fait partie des grands crus cinématographiques de l’année 2014. Alors que des conflits datant du début de la création des États-Unis y font toujours rage et que le spectre de guerres au nom de l’argent plane toujours telle une épée de Damoclès sur les 50 États, Foxcatcher est une critique vitriolique de ce pays aux mille paradoxes. Le sujet de la lutte se transforme dès lors en prétexte pour dénoncer une certaine hypocrisie, appelée communément le rêve américain.

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