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C’est le 9 octobre que le cinéma Quartier Latin nous ouvrait ses portes pour la première du film d’animation Le magasin des suicides, réalisé par Patrice Leconte. Inspiré du roman homonyme de Jean Teulé, ce petit chef-d’œuvre nous prédisait déjà un suicide bien apprêté.
Loin d’être joyeuse, Le magasin des suicides est plutôt une histoire morbide au sein de laquelle cinq personnages, c’est-à-dire la famille Tuvache au complet, lesquels ont tous le mal de vivre, se côtoient dans un univers grisâtre et morose. Les parents sont boutiquiers et vendeurs de produits faits spécialement pour se suicider. Le fils ainé est tranchant dans sa déprime et délabré de toute vivacité. Sa sœur, quant à elle, laquelle désire mourir plus que tout au monde, n’éprouve même pas le souffle de la vie en elle. Les temps sont durs aux arrêts d’autobus, dans les marchés, sur la place publique, dans les parcs et il faudrait un miracle pour étancher la soif de ce malheur collectif. Enfin, une billevesée est née! Le clan Tuvache accueille un nouveau-né au sein de la famille, un marmot inattendu et beaucoup trop joyeux pour vivre parmi ces êtres damnés! Mais, Alan viendra malgré lui changer le cours de l’histoire.
Le dessin animé offre un aspect à la fois ensorcelant et fascinant grâce à un lot d’images claires et nettement bien définies. Le magasin des suicides nous donne sur plateau d’argent une gravure ainsi qu’une influence de décors peints sur fond de gouache, d’aquarelle, de lavis et de peinture. Les couleurs représentent le totem et l’apanage des personnages, même qu’elles catégorisent leurs fresques comportementales, leurs attributs, leurs prérogatives et leurs configurations. D’ailleurs, plusieurs passages-clés laissent planer de fortes ressemblances avec l’univers riche de Tim Burton.
Un travail de longue haleine et de sueur au cœur
Ce procédé cinématographique fait longue trompe. En effet, il aura fallu quatre années de dure besogne pour que Le magasin des suicides soit enfin présenté sur grands écrans. De nombreuses équipes d’animation ont prêté créativité et véracité, dont une maison montréalaise, appelée Angoulême. Ce concept d’animation a coûté plus de douze millions d’euros et fait plusieurs voyages entre Montréal, Liège et Paris.
Un compositeur musical impressionniste
Étienne Perruchon, ce compositeur français de musique de film, n’en est pas à sa première ébauche. Bien au contraire, Perruchon a produit plusieurs confections musicales dont Les bronzés 3: Amis pour la vie (2006), Enfin veuve (2007) et Voir la mer (2011), notamment. Tout laisse présager que Perruchon aurait édifié ses intermezzos pour que la réciprocité et l’extrémité coulent comme le yin et le yang, la joie et la noirceur. C’est ainsi que Patrice Leconte, habitué de collaborer avec Étienne Perruchon, a désiré utiliser de véritables instruments pour allaiter, voire nourrir cette forme de réalisme tant recherché, et ce, même dans un film d’animation. Cet effectif était à la fois palpable et tangible. Incontestablement, une trame sonore timbrée d’éclatement.
Cette émulsion en rejoindra plusieurs. Puisqu’elle est à la fois une comédie musicale, une animation en deux dimensions, une comédie tragico-comique alliant bête sonore de la musique et opérette légère. Nous avions même droit à des fragments inaccoutumés d’images baroque et cabalistique.
Le magasin des suicides sera à l’affiche dès le 19 octobre 2012.
Appréciation: ****
Crédit photo: Les films Séville
Écrit par: Justine Boutin-Bettez