Cinéma
Crédit photo : American Zoetrope
Aussi débattu soit-il, on ne peut qu’applaudir le succès phénoménal de l’empire Lucas. Et comme chaque héros a son récit d’origine, les plus fidèles admirateurs du cinéaste savent d’office que, bien avant la naissance de ces personnages emblématiques qui font aujourd’hui partie de la culture populaire mondiale, il y eût THX 1138.
Évoquant à la fois les classiques 1984 de George Orwell et Metropolis de Fritz Lang (important pionnier du cinéma de science-fiction), le premier long-métrage de George Lucas dépeint un futur dystopique où l’humanité est déshumanisée. Entre les murs d’une cité souterraine aseptisée, la population est contrainte à se droguer pour réprimer toute forme d’émotion et assurer sa productivité, vivant sous l’égide d’un dieu invisible dont la voix monocorde résonne sans cesse: «You are a true believer. Blessings of the State, blessings of the masses. Work hard, increase production, prevent accidents and be happy.»
À l’image de cette société austère où l’amour est proscrit, les hommes comme les femmes ont la tête rasée et portent le même uniforme blanc, à l’exception des forces de l’ordre, en noir, et des moines aux longues robes grises. En tête d’affiche, un jeune Robert Duvall (The Godfather, Apocalypse Now) incarne THX 1138, un ouvrier sans histoire dont la camarade de chambre, LUH 3417 (Maggie McOmie), choisira de résister à la futilité de leur existence en réduisant petit à petit le dosage de leur médication respective. Confrontés à cette nouvelle conscience de soi et à d’authentiques sentiments d’anxiété, d’attachement et de désir, ils commettront le plus grand des crimes en s’abandonnant aux bras l’un de l’autre.
C’est après avoir complété des études cinématographiques à l’Université de Californie du Sud que George Lucas, alors âgé de 23 ans, décroche un stage au sein des studios Warner Bros grâce à un court-métrage étudiant intitulé Electronic Labyrinth: THX-1138 4EB. Cette opportunité placera sur son chemin une belle poignée d’esprits influents, dont nul autre que Francis Ford Coppola. Percevant déjà un énorme potentiel créatif chez son jeune padawan, ce dernier encourage Lucas à se lancer dans l’écriture d’une version longue de son court-métrage, qu’ils produiront ensemble à peine trois ans plus tard sous la bannière de leur propre société de production, American Zoetrope. D’ailleurs, la compagnie appartient aujourd’hui à Sofia Coppola, dont j’ai discuté les débuts dans ma chronique du mois dernier sur l’excellent The Virgin Suicides (1999).
Si les thématiques de THX 1138 semblent avoir été maintes fois adressées aujourd’hui, l’idée s’avérait plutôt originale lors de sa sortie en 1971. En dépit de ce caractère avant-gardiste (ou peut-être en raison de celui-ci), le long-métrage ne remporte pas le succès escompté. Subséquemment, George Lucas fonde Lucasfilm… et on connaît la suite!
Cela dit, le triomphe de la fameuse saga intergalactique qui l’a suivi n’est pas le seul gage de valeur de THX 1138. Ironiquement, le film se voulait un pied de nez à la machine industrielle qu’était devenue Hollywood à la fin des années 60. On peut ainsi présumer que la mauvaise réaction des studios Warner à l’œuvre initiale de George Lucas est la raison même de son virage controversé vers le merveilleux monde du blockbuster.
En attendant le Jour J… Que la Force soit avec vous!
Mon coup de cœur par George Lucas: «Star Wars» (1977) …Évidemment!