«La petite reine» d'Alexis Durand-Brault, mettant en vedette Laurence Leboeuf – Bible urbaine

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«La petite reine» d’Alexis Durand-Brault, mettant en vedette Laurence Leboeuf

«La petite reine» d’Alexis Durand-Brault, mettant en vedette Laurence Leboeuf

Quand la couronne s'effrite

Publié le 13 juin 2014 par Ariane Thibault-Vanasse

Crédit photo : Les Films Séville

Julie, cycliste de très haut niveau, collectionne les premières places sur les podiums comme d'autres sont philatélistes. Championne adulée par le Québec, elle a une soif insatiable de performance et de victoire. Entourée de son entraîneur qui la connaît comme personne, de ses parents qui voient en elle un prodige sacré et de son commanditaire qui devient les yeux ronds comme des pièces de un dollars en sa présence, Julie a tout pour devenir une grande gagnante. En façade. Son lot quotidien se compose en réalité de mensonges, de manipulation, d'humiliations... et d'EPO.

L’histoire de La petite reine ne nous est pas inconnue, au contraire. Le réalisateur québécois Alexis Durand-Brault (surtout reconnu pour avoir réalisé la série La Galère) s’est largement inspiré de la vie de Geneviève Jeanson, grande championne de vélo et aimée d’une province entière avant d’être complètement déchue par les accusations de dopage qui se sont avérées véridiques. Julie/Geneviève, Geneviève/Julie. Deux personnages, mais le même destin désolant les attendant au tournant d’une pente infranchissable.

Le film d’Alexis Durand-Brault établit un portrait maladroit de l’obsession de la performance dans l’univers du sport professionnel. L’histoire de Geneviève Jeanson n’est pas unique et bon nombre d’athlètes ont sombré dans les drogues. Une bouée, une roue de secours, pour survivre à la pression. Le réalisateur met beaucoup l’accent sur la façade de Julie (Laurence Leboeuf). Sur le rôle qu’elle joue devant les médias et sa famille.

Or, ce qui est intéressant, c’est la vie cachée qu’elle mène. Sa relation incestueuse avec son entraîneur (Patrice Robitaille, un monstre à part entière) est illustrée crument. Il abuse de sa protégée, la manipule, la pousse à se dépasser par le truchement d’entraînements relevant davantage de la torture. La présence superficielle des parents de Julie dans sa vie (Josée Deschênes et Denis Bouchard, convaincants) démontre bien comment un père et une mère peuvent vendre leur enfant, jeté en pâture au monde du sport, pour pouvoir vivre les victoires par procuration. Cela dit, certaines de leurs apparitions à l’écran sont superflues rompant du même coup le rythme du film se voulant effréné.

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Et c’est ce qui cloche avec La petite reine. Le film peine à trouver sa vitesse de croisière, oscillant entre une montée dramatique beaucoup trop marquée par une musique omniprésente, volant la place aux images et aux émotions, et un montage brut, quasiment scolaire, favorisant des flashbacks inutiles au récit qui aurait très bien pu demeurer chronologique.

Il est difficile de dissocier Julie de Geneviève (présente d’ailleurs à la première du film). Ce qui ressort de l’histoire de Geneviève Jeanson est sa force à s’enliser dans le mensonge. «Je n’ai jamais touché à de l’EPO de ma vie» est une phrase qui résonnera toujours dans la tête de ses plus fidèles admirateurs. Ceux qui se rappellent du reportage d’Alain Gravel à l’émission Enquête peuvent aussi témoigner du temps qu’il a fallu au journaliste pour faire avouer à la cycliste ses délits. L’on a pu voir une femme en contrôle, qui décide elle-même de son sort. C’est à elle que revient le dernier mot de l’histoire. C’est elle qui fait tomber son propre masque. Dans La petite reine, le personnage de Julie est élevé au rang de victime de son entourage. Elle est manipulée de part et d’autre et semble spectatrice de sa vie.

Le scénario de Sophie Lorain et la caméra d’Alexis Durand-Brault se sont commis dans le manichéisme des personnages (JP, l’entraîneur de Julie, est souvent montré comme un assassin près à jaillir de l’ombre à tout instant), ce qui réduit la propre volonté de Julie a remporté les honneurs, à un vulgaire jeu de marionnettes dont elle est la vedette. Empêtrée dans les ficelles de son maître, son royaume loin derrière.

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