«Into the Forest» de Patricia Rozema

Elles se nomment Nell (Ellen Page) et Eva (Evan Rachel Wood). Dehors, l’apocalypse. Ou si vous préférez, une panne de courant mondiale qui s’éternise. En attendant que les choses reviennent à la normale, le duo passe le temps du mieux qu’il le peut et apprend tranquillement certains rudiments de survie. Précédemment, leur père a passé l’arme à gauche, suite à une mésaventure de tronçonneuse dans les bois (puisqu’il faut mourir, aussi bien le faire en grand). Bref, Nell et Eva sont pour ainsi dire seules au monde.

Malgré un sentimentalisme évident lors d’une poignée de scènes et une finale pour le moins décevante de simplisme, on se laisse prendre au jeu de Patricia Rozema, une réalisatrice peu connue dont le dernier succès au cinéma, Mansfield Park, remonte à 1999. Prenant pour source un roman de Jean Hegland (duquel on aurait, souffle-t-on, omis d’inclure un passage hautement controversé… *tousse* inceste *tousse*), Rozema assure de main de maître son film, ses compositions richement accompagnées par le travail du directeur photo Daniel Grant, un autre artisan méconnu qui risque de faire bientôt parler de lui pour les bonnes raisons. Il faudra bien un jour ou l’autre une relève à Emmanuel Lubezki, après tout!

Ensemble, Rozema et Grant capturent sur pellicule la forêt titulaire et lui donnent un aspect tantôt rassurant, tantôt terrifiant. La forêt offre gîte et pitance… mais aussi de nombreux monstres imagés ou réels. À ce chapitre, les hommes, ces salopards utilisant le prétexte d’une fin du monde pour relâcher leur fiel sur tout ce qui bouge, représentent une menace bien plus grande que les sangliers et autres bêtes sauvages vivant dans les bois.

Car Into the Forest, c’est aussi une peur de l’autre palpable. Après tout, quoi de plus normal dans un univers post-apocalyptique que de se balader fusil à l’épaule, les doigts coincés sur la détente et prêt à faire feu sur tout quidam osant vous demander l’heure. On comprendra que les relations interpersonnelles en prennent un dur coup.

L’électricité reviendra-t-elle seulement un jour? Les nombreuses ellipses couvrant une période de plus d’un an laissent penser le contraire. Que des rumeurs pour se tenir au courant de possibles progrès, apportées ça et là par des personnages tertiaires dont on aura raison de se méfier.

Le film bénéficie du support heureux de la toujours efficace Ellen Page et de la non moins talentueuse Evan Rachel Wood, toutes deux justifiant l’intérêt premier que l’on pourrait porter au film. Après tout, Into the Forest se consacre bien davantage au rapport sororal unissant nos héroïnes, qu’à nous expliquer le pourquoi du comment des événements extérieurs affligeant la civilisation. Adeptes d’action frénétique et de courses folles, passez votre chemin! Ce qui ne veut pas dire que les moments forts manquent; une scène horrible viendra d’ailleurs donner vie au deuxième acte du film.

Non, Into the Forest ne révolutionne pas le genre, mais il s’agit tout de même d’un solide long-métrage aux qualités fort appréciables. Nell et Eva survivront-elles? Ce sera à vous de le découvrir, de préférence un mardi!