«Gerontophilia» de Bruce LaBruce – Bible urbaine

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«Gerontophilia» de Bruce LaBruce

«Gerontophilia» de Bruce LaBruce

À la recherche de l’éclatement formel

Publié le 1 juillet 2014 par David Bigonnesse

Crédit photo : Filmoption International

L’attirance amoureuse ou sexuelle pour les personnes âgées fait rarement l’objet d’un long métrage. Dans la dernière création cinématographique de Bruce LaBruce, Gerontophilia, cette thématique est pourtant centrale. Si tout ce qui entoure l’aspect scénaristique du film s’avère fort bien rendu, sur le plan de la forme, le désir du spectateur de voir la production baigner dans une explosion de créativité stylistique n’arrive point.

Lake (Pier-Gabriel Lajoie), personnage principal du film, est un jeu homme âgé de 18 ans, assez tranquille et discret, menant une vie somme toute assez banale. Sa copine Désirée (Katie Boland) ne cesse d’ailleurs de dire qu’il est un «saint». Le sujet peu commun de Gerontophilia s’annonce lorsque le spectateur découvre que le protagoniste s’éveille à de nouveaux désirs, pour le moins marginaux, c’est-à-dire son attirance pour les personnes âgées. Les réactions physiologiques non contrôlées se déclenchent lorsque Lake fait le bouche-à-bouche à un homme sorti hors de l’eau d’une piscine intérieure. Plus tard, musique à l’appui, montage au ralenti lorsqu’un brigadier âgé traverse la rue, le regard du jeune homme se transforme sous les yeux du cinéphile. Tout vient de s’enclencher, et de basculer réellement.

Comble de bonheur pour lui, il est embauché dans une résidence pour personnes âgées. Véritable «saint», comme le répète Désirée, le protagoniste n’est aucunement rebuté par les corps marqués par le temps, au contraire, puisqu’il tisse des liens affectueux et intimes avec un certain M. Peabody (Walter Borden), octogénaire. Un peu désagréable, puisque l’obligation de prendre des médicaments et de finir ses jours dans un tel endroit ne l’intéresse aucunement, l’homme âgé finira par succomber aux désirs du jeune homme. Afin de pouvoir vivre leur passion dans une plus grande liberté, Lake s’organise pour que M. Peabody puisse s’échapper avec lui, loin des pilules et d’une fin de vie morne.

Le scénario de Daniel Allen Cox et de Bruce LaBruce, très original déjà par son thème et les personnages qui font l’histoire, a l’audace de montrer la beauté de la vieillesse et du fantasme de la gérontophilie. Les corps sont sculptés et magnifiés par la caméra de LaBruce ainsi qu’à travers le regard et les sensations du jeune protagoniste. La découverte de l’autre comme les moments de jalousie offrent une dose d’humanité assez rafraîchissante dans l’univers assez stérile et stéréotypé des relations amoureuses et intimes présentés souvent au grand écran. Surtout majoritairement hétérosexuelles et célébrant le culte de la jeunesse.

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Compte tenu de ce tour de force sur le plan du scénario, il est décevant qu’une proposition esthétique en adéquation avec l’originalité de l’histoire soit plus ou moins réussie. On comprend que le réalisateur souhaitait explorer l’aspect comédie romantique artistiquement parlant pour justifier le choix, malgré cela, il y avait matière à beaucoup plus d’exploration. Certes, on note la belle composition des plans à l’intérieur de la chambre blanche de la résidence ainsi que la récurrente utilisation de la caméra à l’épaule, mais sans plus.

En ce qui a trait au jeu des acteurs, il s’agit d’une brillante performance de la part de Pier-Gabriel Lajoie, tout en nuances et incarnant bien un être aux pris avec des désirs peu communs. Quant à Walter Borden, on ne peut que s’incliner devant l’interprétation de ce vieil homosexuel qui se laisse aller dans cette relation hors normes. Malheureusement, le personnage de Katie Boland est agaçant, surtout dans la première moitié du film. On comprend qu’elle est importante puisqu’elle est la copine de Lake, mais elle n’offre pas un personnage si incontournable que cela. Même remarque pour Marie-Hélène Thibault qui incarne Marie, la mère de Lake, instable, aux mœurs légères et qui n’a aucune autorité. En réalité, elle ne marque point l’imaginaire du récit.

Au final, Gerontophilia est un film très bien scénarisé, qui décoiffe par son sujet, mais qui réserve un traitement formel sans grande distinction. Le réalisateur avouant qu’il y a une utilisation «d’un langage cinématographique plus grand public» déçoit, parce que le spectateur, en s’informant de l’histoire racontée, s’imagine une recherche stylistique éclatée en fonction du sujet présenté. Hélas! ce n’est guère le cas…

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