«Force majeure» de Ruben Östlund présenté au FNC – Bible urbaine

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«Force majeure» de Ruben Östlund présenté au FNC

«Force majeure» de Ruben Östlund présenté au FNC

Tempête de neige dans le verre d'eau conjugal

Publié le 18 octobre 2014 par Jim Chartrand

Crédit photo : www.nouveaucinema.ca

Ruben Östlund poursuit son observation des inconforts de la société avec Force majeure, son plus récent long-métrage récipiendaire du prix du jury de la section Un certain regard lors du dernier Festival de Cannes, lequel a été sélectionné pour représenter la Suisse à la prochaine cérémonie des Oscars.

Aidé de l’Hiver des quatre saisons de Vivaldi et des somptueux paysages hivernaux des Alpes françaises, Östlund s’amuse à déconstruire peu à peu la «famille carte postale» qu’il prend son temps à photographier dans sa scène d’ouverture. Son récit s’étale sur quelques jours et y montre les déchirures, les éloignements et les rapprochements d’une famille typique – deux adultes, deux enfants – lors de vacances de ski.

Sa mise en scène à la précision chirurgicale ajoute beaucoup d’élégance à son long-métrage, dont le récit s’avère particulièrement anodin, mais constamment relevé par des réflexions qui savent titiller l’esprit. C’est que la famille expérimente une avalanche dont le danger primaire fait ressortir des réactions inattendues chez les deux adultes. Le traumatise se transforme de fait en un questionnement existentiel sur la nature humaine des hommes et des femmes, alors qu’Ebba, la mère, accuse son mari Tomas de lâcheté, voulant lui faire avouer qu’il a tout abandonné pour sauver sa peau. Au fil du temps qui s’étire sadiquement, le débat s’intensifie tout en influençant significativement leur entourage, qui prend malgré eux part au conflit.

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«Force Majeure» de Ruben Östlund

Et difficile de ne pas faire de parallèles entre cette isolation hivernale en montagnes et l’inoubliable The Shining de Stanley Kubrick, alors qu’un climat de tension est habilement relevé par la réalisation soignée du cinéaste. On ne sait d’ailleurs jamais si quelque chose de grave va se produire, le spectateur toujours plongé dans l’attente d’évènements qui n’ont généralement pas lieu.

À l’aide de dialogues d’une banalité qui agace autant qu’elle fait sourire, on se laisse emporter dans ce tourbillon qui paraît toujours plus insupportable alors que la crise s’amplifie. Surtout qu’elle prend rapidement des proportions difficilement contrôlables, reflétant la métaphore de l’avalanche qui était elle-aussi a priori contrôlée.

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«Force Majeure» de Ruben Östlund

L’insistance n’est toutefois pas quelque chose de nouveau chez Östlund, qui avait fait vivre une autre situation plutôt insupportable dans son précédent film Play, également présenté au festival il y a trois ans. Par contre, sa représentation de la bataille des sexes s’avère moins captivante que son immersion dans les gangs de rue, à défaut d’être autant éprouvante au bout du compte.

En effet, le film souffre de longueurs malgré sa beauté visuelle indéniable et ses qualités techniques irréprochables, et ses acteurs qui arrivent difficilement à nous faire apprécier leurs personnages peu attachants. N’en déplaise à Johannes Kuhnke, sorte de jumeau cosmique de Stephen Dorff, et Lisa Loven Kongsli, dont les réactions semblent s’approcher des symptômes de la bipolarité. On apprécie néanmoins l’amusant caméo de Brady Corbet, qui a le mérite cette fois de ne pas jouer l’énergumène de service.

Au final, Force majeure est donc une oeuvre à demi satisfaisante. Autant son plan final est sublime, à l’image de ce que le film nous a projetés à plus d’un moment, autant il aurait peut-être eu un impact plus bénéfique s’il était mieux resserré, histoire d’éviter de trop s’étirer, inutilement. On se demande après tout pourquoi personne ne quitte l’endroit alors que visiblement rien ne les empêche de retrouver leur quotidien. N’empêche, l’expérience n’en demeure pas moins intéressante pour quiconque aura envie de se lancer dans l’exposition «voyeuriste» d’un autre de ces problèmes conjugaux comme le septième art aime si bien laver son linge sale dans les salles de cinéma.

«Force majeure» est présenté une seule fois lors du Festival du nouveau cinéma en version originale avec sous-titres français le samedi 18 octobre à 19 h 10 au Quartier Latin.

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