CinémaCritiques de films
Crédit photo : Les Films Séville & Sons of Manual
Mais les mauvaises critiques, ce n’est pas la fin du monde… Et la surprise fut d’autant plus émouvante, dimanche dernier, quand l’illustre jury du Festival de Cannes lui décernait son Grand Prix. Seconde plus importante récompense après la convoitée Palme d’or (qui a été remise au réalisateur britannique Ken Loach pour I, Daniel Blake), cet honneur est le plus prestigieux jamais reçu par un Québécois à Cannes.
«Je tournerai des films toute ma vie, qui seront aimés ou non, mais comme disait Anatole France: Je préfère la folie des passions à la sagesse de l’indifférence.» – Xavier Dolan, en acceptant son prix lors de la cérémonie de clôture
D’après la pièce éponyme de Jean-Luc Lagarce, Juste la fin du monde raconte les retrouvailles tendues d’une famille dysfonctionnelle alors que l’un des frères, un écrivain âgé de 34 ans, rentre à la maison après douze ans d’absence pour annoncer aux autres sa mort imminente. Avec les talents de Gaspard Ulliel, Nathalie Baye, Vincent Cassel, Marion Cotillard et Léa Seydoux, il réunit la crème du cinéma français d’aujourd’hui, ce qui explique certainement, en plus du tout récent succès de Mommy, la hauteur des attentes qui pesaient sur cette adaptation.
Bien qu’il ne s’agisse pas d’un scénario de son cru, ce film est du Xavier Dolan tout craché, avec ses gros plans chargés d’émotion, ses intermèdes musicaux résonnants, son éternelle rigueur stylistique et son attachement évident à la banlieue québécoise. On reconnaît d’ailleurs un peu trop celle-ci, considérant la nature très française du matériel source, mais on ne peut aussi qu’apprécier la signature typiquement dolanesque que représente cette maisonnette lavalloise où reprennent vie, plus de vingt-cinq ans plus tard, les personnages imaginés par Lagarce. À vrai dire, ce dernier semble les avoir taillés sur mesure pour le prodige québécois, dont les thèmes de prédilection – déchirures familiales, problématiques gaies, rapports mère-fils houleux – s’y retrouvent sans exception.
D’ailleurs, de maintenir en constant équilibre un si puissant quintette d’acteurs dans l’exiguïté de ce huis clos représentait une tâche monumentale, voire impossible. Inévitablement, certains brillent plus fort que d’autres et (pure coïncidence, sans doute) ce sont ses deux interprètes masculins qui remportent la manche. La voix douce et les yeux humides, Gaspard Ulliel est d’une fragilité presque tangible – n’allant pas sans rappeler la performance de Marc-André Grondin dans C.R.A.Z.Y. – alors que Vincent Cassel, aussi détestable soit-il dans la peau de son bourru personnage, bouillonne à ses côtés en parfaite antithèse. Dans le rôle de la belle-sœur, Marion Cotillard mérite tout de même une honorable mention pour sa superbe maîtrise du regard de biche effarouchée.
Entre ces murs, tout le monde parle – hurle même – mais personne ne s’entend. De cette hystérie familiale dont les élans irritent souvent les tympans, ce sont plutôt les non-dits qui parviennent à émouvoir… À condition de bien vouloir les écouter.
«Juste la fin du monde» prendra l’affiche au Québec le 21 septembre.
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Par Les Films Séville & Sons of Manual
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