Le film ukrainien «The Tribe» de Myroslav Slaboshpytskiy secoue les cinéphiles au FNC – Bible urbaine

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Le film ukrainien «The Tribe» de Myroslav Slaboshpytskiy secoue les cinéphiles au FNC

Le film ukrainien «The Tribe» de Myroslav Slaboshpytskiy secoue les cinéphiles au FNC

La loi du silence

Publié le 13 octobre 2014 par Jim Chartrand

Crédit photo : www.nouveaucinema.ca

The Tribe s'avère l'une des expériences les plus dépaysantes que les cinéphiles auront la chance de vivre lors de cette 43e édition du Festival du nouveau cinéma et, après avoir été présenté à Cannes, Milan et Toronto notamment, une seule projection est prévue au programme. Soyez donc avertis que c'est là l'une des nombreuses raisons qui vous obligent à ne pas manquer cette proposition cinématographique et unique.

Hautement audacieux, le long-métrage en provenance d’Ukraine nous averti d’emblée: le film qui suit sera entièrement en langage des signes, sans sous-titres et sans doublage. Le spectateur est donc plongé dans un néant incroyable où les mots n’ont plus d’importance, laissant toute la place à la force des images et des gestes des acteurs. Et l’impact de ceux-ci dépasse certainement ce à quoi on pourrait s’attendre!

En effet, l’histoire, d’une brutalité généreuse, emprunte ses airs aux plus grands récits de gangsters tout en évoquant le plus récent Un prophète, oeuvre admirable de Jacques Audiard, qui avait elle-même créé toute une commotion dans le milieu du cinéma. On y suit Sergey, un jeune homme sourd et muet, qui atterrit dans un pensionnat où adultes, enfants et adolescents y partagent le même handicap. Rapidement, ce dernier comprend comment fonctionne ce microcosme singulier et déduit qu’il devra imposer sa place, tout en faisant preuve d’intelligence, s’il veut survivre parmi les plus forts.

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Sous des airs calmes et sages, dus inévitablement au silence qui persiste, se cache un milieu des plus tordus. En grattant sous la surface, on y trouve un mélange de petits crimes véreux, de prostitution et de magouilles diverses, qui dévoilent peu à peu une réalité encore moins reluisante que l’on pourrait s’attendre de ces êtres a priori fortement désavantagés par la vie.

Malgré tout, le long-métrage n’ennuie jamais les spectateurs durant ses intimidantes 130 minutes. Mieux, il est captivant. Même si, à moins d’en comprendre le langage, il est impossible de savoir avec précision ce que les personnages se racontent entre eux, on reste abasourdi par la force des plans, souvent longs, méticuleux, et d’une précision admirable, lesquels évoquent sans mal un silence que le grand Tarkovsky n’aurait certainement pas renié.

Force est d’admettre que la mise en scène est extraordinaire. Profitant grandement de ce scénario d’une ampleur évocatrice qui se complexifie à chaque instant, celle-ci laisse se succéder des scènes et des images qui marquent et hantent l’imaginaire à jamais. En proposant sans complaisance les cruelles conséquences de la surdité dans des situations abominables, l’oeuvre de Slaboshpytskiy démontre avec noirceur à quel point il est difficile de prévenir le danger lorsqu’on ne peut pas l’entendre! Pire, il y a une romance viscérale qui se mêle à l’ensemble, y ajoutant des répercussions d’une cruauté digne des plus grandes tragédies mythologiques!

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Enfin, soulignons la justesse des comédiens, qui ajoutent au réalisme troublant et fortement confondant, ainsi qu’à l’impitoyable crédibilité de l’ensemble, et avouons sans mal que cette ambitieuse proposition superbement maîtrisée est bien plus qu’un simple exercice de style. Premier long-métrage d’un nouveau venu, il faudra surveiller la carrière de Slaboshpytskiy de très près, puisque ce film, aussi grandiose et sublime paraît-il, demeura sans conteste l’une des expériences les plus singulières qui nous sera proposés au cinéma cette année.

À voir absolument, le traumatisme en vaut le détour.

«The Tribe» du réalisateur Myroslav Slaboshpytskiy sera présenté demain soir à 18h45 au Cineplex Quartier Latin.

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