«Exil» de Charles-Olivier Michaud – Bible urbaine

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«Exil» de Charles-Olivier Michaud

«Exil» de Charles-Olivier Michaud

Un parcours initiatique pris dans un carcan de vérité

Publié le 2 juillet 2014 par Isabelle Léger

Crédit photo : Filmoption International

En Haïti, alors que son père journaliste vient d'être enlevé par les milices, le jeune Samuel se retrouve seul avec sa tante à fuir la ville vers la campagne. Lui qui s'était toujours cru orphelin de mère, il apprend que ce qui a dévasté son père n'est pas la mort de sa femme, mais son départ. Elle les a abandonnés. Étonnamment, il n'en veut pas à sa mère, mais à son père, qui a persévéré dans ce métier au péril de sa vie. Il ne tente donc rien pour le retrouver et part plutôt sur un bateau de clandestins vers Miami à la recherche de sa mère, avec, pour seul indice et seul espoir, une photo d'elle laissée par son père. Commence alors un long périple du Sud au Nord, de l'enfance à l'autonomie précoce.

Après Snow and Ashes, un film audacieux qui faisait bon usage de la technique pour explorer les méandres de la mémoire et des traumatismes de guerre, Charles-Olivier Michaud revient avec un scénario qu’il a également écrit lui-même. Dans une structure cette fois-ci linéaire, on y suit le cheminement d’un garçon débrouillard mais candide, et chanceux dans ses malchances.

Protagoniste de peu de mots, Samuel ne s’ouvre pas à ceux qu’il croise et dont il espère pourtant de l’aide. Devant ces personnages qui veulent souvent lui imposer leur façon de faire, parfois brutalement, le jeune exilé conserve un étonnant sang-froid. Interprété avec aisance et intelligence dans le regard de l’acteur Francis Cléophat, un nouveau venu sur nos écrans, il s’accroche à un amour aussi soudain qu’irréel pour sa mère, comme les clandestins s’accrochent à l’espoir d’une vie meilleure. L’un comme l’autre, ce sont des mirages.

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Ce que les dialogues ne nous apprennent pas, Charles-Olivier Michaud s’est en quelque sorte senti obligé de le transmettre par une narration (Stanley Péan). Si celle-ci soutient et éclaire le récit, la voix grave et le ton de la confidence intime tranchent singulièrement avec la nervosité de la caméra et la tension installée dans la première partie du film. Petit à petit, les divers éléments se mettent en phase, notamment par l’apaisement visuel. Toutefois, le rythme alourdi par des scènes inutiles rend la traversée de l’Amérique pénible. Le souci de réalisme et de cohérence a poussé le scénariste-réalisateur vers des choix narratifs incompatibles avec l’ellipse poétique. Le parcours qui se voulait initiatique se trouve pris dans le carcan de la vérité si bien que l’intérêt abandonne le spectateur au bord de la route, quelque part entre Chicago et New York. Et le voyage est loin d’être terminé.

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