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Crédit photo : Festival du nouveau cinéma
En janvier 2016, bien avant le FNC, Felix Van Groeningen avait dévoilé son Belgica au Festival du film de Sundance. Sélectionné en compétition, le long-métrage avait reçu le prix de la meilleure réalisation dans la catégorie Drame international. Une expérience exaltante: «Les festivals, c’est toujours bizarre. Le film vient juste d’être fini et, tout d’un coup, tu as un retour énorme. Un moment, tu es au ciel, et cinq minutes après, tu te sens le plus gros connard du monde. Quand le film est fini, j’ai besoin d’au moins six mois pour me détendre et avoir un peu de distance.»
Ce voyage à Salt Lake City lui a permis de rencontrer les dirigeants de Netflix. Ceux-ci lui ont proposé d’acheter les droits et de mettre le film disponible sur la plateforme. Le film n’aura donc pas de sortie canadienne et américaine. «Le deal avec Netflix, c’était l’exclusivité dans le monde entier sauf quelques pays d’Europe. Le monde change et ce que fait Netflix est excitant». Le réalisateur nuance tout de même: «En même temps, je ne suis pas super content. Je ne sais pas, il n’y a pas eu de communication ni de retour. Ils le mettent sur Netflix et puis c’est tout. Je ne pense pas que pour un film indépendant, ça soit le mieux.»
Un film indépendant aux allures de fête survoltée. Dans le Belgica de Felix Van Groeningen, on suit le parcours de deux frères – Jo et Frank – qui veulent transformer un petit bar de quartier en arche de Noé de la party. Pour écrire ce scénario, le réalisateur est allé piocher dans sa propre histoire. En 1996, tout juste sorti de l’école secondaire, Félix a aidé son père à tenir le bar familial. «L’idée de base, c’est que j’avais vécu quelque chose de fort ces années-là dans le bar de mon père. Avec la distance, j’ai eu envie d’écrire sur ça, mais je ne voulais pas faire un récit trop autobiographique. Quand j’ai entendu l’histoire des deux frères qui ont repris Le Charlatan après mon père, je me suis qu’il était possible de mélanger les deux histoires.»
Les deux frangins du film sont basés sur des protagonistes réels. Pour sa préproduction, le réalisateur a mené un méticuleux travail de recherche avec les deux patrons du bar. «Dès 2011, j’ai commencé à parler avec eux et à réaliser beaucoup d’interviews. Tout est dans ces interviews. C’est un processus assez long. Dans un second temps, il faut arriver à se détacher de ce qui s’est vraiment passé. On avait trop de matériel. Dans la vie, il y a des choses qui sont tellement ambiguës qu’on doit les simplifier pour en faire du cinéma.»
Un des jolis détails que le cinéaste a heureusement laissé est le handicap du jeune frère – il n’a qu’un œil. «Dans la première version du scénario, ce n’était pas là, mais c’est tellement spécial et ça en dit tellement sur leur relation que je l’ai finalement ajouté. C’est peut-être ce handicap qui rend le trajet de Jo (interprété par Stef Aerts) plus grand, parce qu’il faut beaucoup de courage pour devenir comme les autres, pour oublier que tu as ça.»
Cet aspect du scénario est appuyé par une mise en scène très naturaliste. «À la fin du film, il y a un plan sur Jo où il ferme les yeux. Il les rouvre et c’est là qu’on se rappelle qu’il est borgne. Et puis il monte dans son bureau et il voit toutes les caméras de sécurité (rires). J’adore cette métaphore: c’est le mec qui avait un œil qui voit tout.»
Dans Belgica, les nuits de Gand semblent irréelles et pourraient presque rivaliser avec les soirées berlinoises. Quand on interroge le réalisateur sur cette parenthèse festive, il explique que ce sont ses souvenirs – peut-être fantaisistes – des meilleurs moments du Charlatan. «Le monde de la nuit, c’est très beau et c’est très laid en même temps. Ce qui me plaisait, c’était de ne pas être confronté à la vraie vie. C’est un monde faux, je trouve, et tu te tapes vite la tête contre les murs. C’est beau que ça existe comme échappatoire, mais ce n’est aussi que ça.»
Une échappatoire où la musique joue un grand rôle. Belgica marque la seconde collaboration entre Felix Van Groeningen et le Soulwax (aussi connu sous le nom de 2 Many DJ’s). «Je leur ai fait lire le scénario et ils ont dit oui tout de suite. Ils ont poussé pour avoir beaucoup de musique originale, plus que j’en avais prévu au départ. Ça a été un travail de fou. Ils ont fait des castings, organisé des répétitions et créé des groupes de toutes pièces pour le film.»
Félix n’a pas choisi Soulwax sans raison. Si cela fait un moment que le réalisateur connaît ses membres, ce qui l’a intéressé c’était le parallèle entre le parcours du groupe et celui du Belgica. «Ils ont commencé comme un groupe de rock puis ils ont évolué dans l’électro. C’est formidable cette transformation qu’eux-mêmes ont vécue comme groupe et qui se retrouvait aussi dans le parcours du Charlatan. Je voulais qu’il fasse partie du Belgica.» On commence avec des musiques rock très chaudes pour terminer sur un beat électro plus froid.
Beaucoup de musiques dans la filmographie de Felix Van Groeningen! Il dit en riant que l’une des contraintes pour son projet sera de réaliser un film sans aucune trame sonore. Sur une note plus sérieuse, il évoque un projet américain autour de l’adaptation du roman Beautiful Boy: A Father’s Journey Through His Son’s Addiction de David Sheff. «On va tourner prochainement. C’est comme un puzzle, il faut juste que toutes les pièces se mettent ensemble. Ce qui m’a aussi plu, c’est que même si c’est un gros projet, j’ai pu participer à l’écriture et au développement du film.» Selon Variety, le film devrait être produit par Plan B, la société de production de Brad Pitt.
Un autre projet sur la liste du réalisateur est l’adaptation de la pièce de théâtre In de Gloria. Une pièce jouée présentement en Belgique et dans laquelle Johan Heldenbergh tient le rôle principal. L’acteur d’Alabama Monroe et le réalisateur cultivent un lien artistique fort qu’on espère voir s’exprimer de nouveau à l’écran. «Johan joue dans la pièce originale. J’adore ce qu’il fait, c’est un ami qui m’inspire. En me laissant adapter sa pièce Alabama Monroe, il m’a donné énormément de confiance.»
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Par Festival du nouveau cinéma