«Café de Flore» de Jean-Marc Vallée – Bible urbaine

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«Café de Flore» de Jean-Marc Vallée

«Café de Flore» de Jean-Marc Vallée

Le destin est inscrit dans le ciel

Publié le 25 septembre 2011 par Éric Dumais

Crédit photo : Alliance Vivafilm

De nos jours, 8 couples sur 10 se séparent. À ce nombre, il faut ajouter les amours délaissés oubliés, rejetés, les familles nucléaires éclatées en mille miettes, les enfants tiraillés entre parents et amants, et les nombreux cœurs brisés de chagrin. La vie, si l’on y réfléchit un peu, peut revêtir l’apparence d’un drame vécu en plusieurs actes, et c’est justement à partir de ce concept que le film Café de Flore, neuvième long-métrage de Jean-Marc Vallée, prend toute son essence.

«Quelqu’un, quelque part, est fait pour nous, pour la vie» -Antoine Godin

À Paris, dans les années 60, une jeune Parisienne, Jacqueline (Vanessa Paradis), se retrouve mère monoparentale après avoir donné naissance à Laurent (Marin Gerrier), un jeune trisomique âgé de 7 ans. Mère aimante, le cœur de Jacqueline bat au rythme effréné de son amour pour son fils handicapé, dont l’espérance de vie ne dépassera guère les 25 ans. Parallèlement à cette histoire bouleversante, Antoine Godin (Kevin Parent), un DJ montréalais, voit sa vie bousculée après vingt ans de mariage suite à l’arrivée de Rose (Evelyne Brochu), la nouvelle femme de sa vie. Carole, son ex-femme (Hélène Florent), est au comble du désespoir et semble à jamais meurtrie par le départ précipité d’Antoine.

«Il n’est pas facile de dire adieu à ceux qu’on aime»

Café de Flore est un film mettant en scène deux histoires distinctes qui évoluent en parallèle sans jamais se rejoindre. D’abord, il y a celle de Jacqueline et Laurent, dans un Paris des années 60, puis celle d’Antoine, DJ en vogue. S’il y a bien une seule similarité entre les deux récits, c’est que d’innombrables sentiments et émotions se chevauchent, s’entrecroisent, s’enlacent et se repoussent sans cesse.

Jean-Marc Vallée, dont le nom est devenu un gage de succès suite à la parution de C.R.A.Z.Y., un grand chef-d’œuvre québécois, vient de nous offrir un second regard sur notre société avec un neuvième film tout aussi touchant, mais plus moderne, lequel est rempli d’émotions, de rebondissements et de magnifiques instants poétiques. Café de Flore est une réflexion touchante sur la vie et les gens qui nous entourent, mais aussi sur les décisions que chaque humain prend dans sa vie.

Le récit est d’autant plus touchant qu’il est pratiquement impossible de ne pas se reconnaître à travers l’existence normale d’Antoine, qui a laissé la mère de ses enfants, au détriment d’une jeune femme épanouie ayant allumé, malgré elle et par son simple magnétisme, une flamme invisible au fond de son être.

Café de Flore, c’est aussi la douleur immense d’une femme délaissée, qui n’a d’autre choix que d’accepter son triste destin, même si au fond d’elle-même elle est consciente d’avoir perdu sa douce moitié, son homme, son idéal, l’homme de sa vie. Et parallèlement au drame déchirant de Carole, Jacqueline a, elle aussi, peur de perdre l’homme de sa vie, son jeune Laurent, qui s’éprend, malgré son tout jeune âge, de la jeune Véronique, une camarade d’école elle aussi trisomique.

Une réalisation soignée

Le jeu sublime des acteurs est la qualité première de Café de Flore. Kevin Parent, pour une première apparition au grand écran, joue avec brio le rôle d’un homme déchiré entre deux amours, un peu comme s’il le vivait devant nos yeux. Son interprétation est soignée, naturelle, et s’agence bien avec les solides performances de Vanessa Paradis, Evelyne Brochu et Hélène Florent.

La musique est sans contredit l’un des éléments les plus significatifs du film. En effet, le cœur d’Antoine Godin vibre au rythme de sa propre musique, un peu comme lorsqu’il a entendu pour la toute première fois la chanson Café de Flore de Doctor Rockit, qui a joué le soir où Rose lui est tombée dans l’oeil. Le jeune Laurent, pour sa part, est un grand admirateur de Matthew Herbert, avec sa version originale de Café de Flore. La fille aînée écoute sans cesse de vieux succès lui rappelant sa mère, ce qui plonge Antoine dans un tourbillon de souvenirs où il revoit son ex-femme Carole. Décidément, la musique fait partie intégrante de leur vie, autant qu’elle ravit le spectateur, lui aussi.

D’un point de vue plus technique, l’usage des gros plans nous permet de saisir certains moments éphémères de la vie en général, notamment des sourires gracieux, le vol d’une libellule, ou un couple s’enlaçant dans l’eau à la suite d’un long plongeon langoureux. Tout comme les gros plans, les ralentis figent quant à eux les personnages dans leur beauté immédiate, comme dans le vidéoclip de la chanson Svefn-G-Englar du groupe rock Sigur Rós.

En somme, Café de Flore est une œuvre cinématographique qui porte à réfléchir, autant sur le sens de la vie, sur l’aspect éphémère des choses, que sur les conséquences de nos actes. Outre les premières minutes du film, qui peuvent sembler incompréhensibles et sans intérêt pour certains spectateurs, Café de Flore demeure un film esthétiquement beau, touchant, vrai et sensible, et il aidera un bon nombre de gens à prendre conscience de la beauté de la vie et de la chance que nous avons tous d’être en pleine possession de nos moyens.

Je vous laisse avec le vidéoclip angélique de la chanson Svefn-G-Englar du groupe islandais Sigur Rós, que l’on retrouve sur la bande sonore du film aux côtés de Pink Floyd, The Cure, Nine Inch Nails et Pawa Up First.

 


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