«Berlin Telegram» de Leila Albayaty: lettre d’amour à Berlin – Bible urbaine

CinémaCritiques de films

«Berlin Telegram» de Leila Albayaty: lettre d’amour à Berlin

«Berlin Telegram» de Leila Albayaty: lettre d’amour à Berlin

Publié le 9 novembre 2012 par Camille Masbourian

Aux dires de la réalisatrice Leila Albayaty, son film Berlin Telegram, présenté à Montréal dans le cadre du Festival Cinemania est à la fois très personnel et très universel. Inspiré en partie de sa propre vie, elle a voulu lui donner un ton qui rejoindrait le plus de gens possible. «Il y a beaucoup de gens qui voient le film et qui plongent dedans, explique-t-elle. Il y a beaucoup de gens qui voient le film et qui ne se disent pas que je ne fais que raconter mon histoire à moi, mais qui la prennent pour eux-mêmes. C’est ce que j’ai essayé de faire, en tout cas».

Cet équilibre entre personnel et universel est plutôt réussi. Dans le film, Leila, artiste et musicienne, se fait quitter par un homme, qui disparait complètement de sa vie. Démolie, elle décide de quitter sa vie bruxelloise pour tenter de la refaire à Berlin. De là, elle voyagera, elle fera de la musique, beaucoup de musique, et rencontrera des gens. «L’histoire d’une femme qui se fait quitter, n’importe qui peut réaliser ça. Un jour, on m’a dit de faire le film que moi seule pouvait faire. Cette histoire-là, ça se voit que c’est moi». Ce qui est vrai dans le film de Leila Albayaty, c’est la trame de fond. Quittée par cet homme, elle a abandonné sa vie pour tenter de recommencer à zéro dans une autre ville. Les gens qu’elle a rencontrés pendant ses voyages lui ont inspiré ce film. «Mais dès qu’on met son et image, on fictionnalise, on triche de toute façon. Il y a beaucoup de choses vraies, mais il y a beaucoup de choses cachées, il y a des choses fausses aussi».

D’abord inspirée par l’idée de vouloir comprendre ce qui lui arrivait, Leila a fini par dépasser ce stade. Elle a notamment collaboré avec Marylise Dumont pour l’écriture du scénario. «C’était la première fois que j’écrivais un long-métrage. C’est long, c’est dur, c’est laborieux. Et moi, parfois j’ai trop d’imagination, trop d’idées, donc j’ai rencontré une fille qui m’a structurée, qui a écouté ce que j’ai raconté et qui a lu, chaque deux semaines, ce que j’avais écrit».

Malgré cela, Leila Albayaty présente avec Berlin Telegram un film complètement éclaté et à la forme libre. La réalisatrice dit aimer le style, la création et la recherche de style. Elle n’exclut pas la possibilité de faire un film plus «classique» un jour, mais la liberté de forme de Berlin Telegram se prêtait bien à ce personnage qui tourne en rond. «Et peut-être que j’ai une vie de recherche et que je veux traduire ça. J’essaie d’être libre». C’est notamment pour cette raison qu’elle a choisi Berlin, une ville qui tente de se reconstruire après un effondrement, une ville en mutation, une ville qui est souvent un lieu de passage pour les artistes.

Elle ne cache pas non plus que cette liberté n’a pas toujours été facile. L’écriture, le tournage et le montage ont été difficiles. Peu habituée à gérer un plateau de tournage, d’autant plus qu’elle portait plusieurs chapeaux – actrice, réalisatrice et chanteuse, notamment – elle admet avoir traversé de nombreuses difficultés. Difficultés, qui lui ont heureusement beaucoup appris. Elle affirme sortir grandie de cette expérience. Parfois entourée d’une équipe, parfois seule, Leila a passé plusieurs semaines à promener sa caméra, de Bruxelles à Berlin, de Lisbonne au Caire. Son film, c’est «un road movie moderne, fantastique et triste». Un peu hésitante à choisir une étiquette pour le décrire, elle choisit pourtant les bons mots du premier coup.

Avec Berlin Telegram, on est dans la veine des films indépendants et un peu expérimentaux des dernières années, dont Like Crazy, qui avait séduit le jury de Sundance en 2011. Peu de dialogues, une voix hors champ qui semble être tirée du journal intime ou du carnet de voyage de la réalisatrice, une caméra instable, des flous, et des moments qui semblent croqués sur le vif. «Pourtant, tout était très écrit», dit-elle. Le fait qu’elle réalise le film, en plus d’y tenir le rôle principal ajoute nécessairement à cette impression de réalisme quasi documentaire. Les acteurs qui jouent les amis de Leila? Ses amis dans la vie. Étant des acteurs non professionnels, elle a dû les habituer à la présence de la caméra. Elle a bien travaillé, parce que l’illusion est parfaite. Personne ne surjoue, personne ne semble pas à son aise. Personne ne semble même conscient de la présence de la caméra sur le plateau. On assiste aux répétitions musicales comme si nous étions.

Le film de Leila Albayaty n’est pas accessible à tout le monde. C’est parfois abstrait, très artistique, un véritable exercice de style. Mais quand on arrive à percer cette carapace, Leila Albayaty nous ouvre les portes d’une grande histoire d’amour.

Appréciation: ***½

Crédit photo: Festival Cinémania

Écrit par: Camille Masbourian

Vos commentaires

Revenir au début