«Belleville Baby» de Mia Engberg – Bible urbaine

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«Belleville Baby» de Mia Engberg

«Belleville Baby» de Mia Engberg

Choisir la forme artisanale

Publié le 24 novembre 2013 par David Bigonnesse

Crédit photo : miaengberg.com

Il y a plusieurs manières de revenir sur un pan de son passé dans le but de le contextualiser, et aussi de l’exorciser. Dans le cas de Mia Engberg, c’est sans doute le médium cinématographique qui lui a permis de plonger dans la relation qu’elle a vécue avec son amour de jeunesse, un «bum» français prénommé Vincent. Belleville Baby est une œuvre documentaire qui favorise l’intime et l’éclatement formel à l’image d’un collage en mouvement.

La documentariste n’offre pas de choix au spectateur; sa position lui est imposée puisqu’il s’immisce directement dans la vie de Mia Engberg. Mais il n’y a pas de brusquerie ni d’esbroufe dans la manière de faire entrer le cinéphile dans l’histoire de la protagoniste, plus précisément son histoire d’amour de jeunesse. Une relation avec un «bum», un gars qui a fait de la prison un peu plus longtemps que prévu, apprend-elle au bout du fil, et qui mène une vie dans la marginalité. Nous sommes en fait témoins de l’appel que la cinéaste d’origine suédoise reçoit de l’homme qu’elle a jadis aimé. Et cet appel constitue le point de départ qui lui permet de retourner dans son passé, alors que la conversation entre son ancien amour et elle constitue la trame du film.

L’œuvre intimiste, autobiographique et quasi fictionnelle explore la forme documentaire avec de nombreux matériaux. On parle d’archives audiovisuelles personnelles, de conversations téléphoniques, d’images photographiques ainsi que d’images surréelles très artistiques. Le caractère hybride du documentaire convient parfaitement au sujet du film, à la fois douloureux et mémorable, qui témoigne surtout d’une grande fragilité émotionnelle. Hybridité et fragilité.

La relation de jeunesse, qui avait Paris comme toile de fond à l’époque, avec ce jeune homme, s’inscrivait autant dans le bonheur intense que dans la souffrance. Vincent et Mia se souviendront, chacun à leur manière, des évènements qui jalonnaient cette période bien précise. Les beaux moments comme les reproches sont évoqués. Les chemins empruntés par l’un et par l’autre (on parle d’un côté la délinquance, et de l’autre, la réalisation de documentaires) font l’objet de questionnements et de jugements.

Belleville Baby est impudique et cette mise à nue sentimentale concorde avec la forme du documentaire. Le cinéphile arrive à ressentir la douleur comme le bonheur qu’a la réalisatrice de parler avec cette ancien amoureux qui a choisi une voie avec des conséquences lourdes. Ce journal intime autobiographique est bien appuyé par les diverses images qui composent ce montage ultrasensible. Il faut dire que la marginalité et la forme personnelle correspondent à la pratique artistique de la cinéaste suédoise. Mia Engberg avait notamment chapeauté la production Dirty Diaries (Stockholm, 2009), une compilation de douze courts métrages pornos réalisés dans la perspective du féminisme pornographique, de la représentation de la sexualité et de l’art vus autrement.

La réalisation à l’aide d’un cellulaire intéresse beaucoup la cinéaste et cette nouvelle forme de captation, disons très XXIe siècle, se ressent dans ce documentaire. Bien que cette technique soit plutôt utilisée dans d’autres films de Mia Engberg, il reste que l’esthétique de Belleville Baby s’en rapproche. La fragilité de la caméra ainsi que le flou de plusieurs images illustrent les effets de capter des vidéos ou des images avec des appareils dont la finalité reste brouillonne, voire amateur. Une autre manière d’envisager l’art du documentaire.

Il est possible de reprocher au film ses longueurs qui nous font décrocher à quelques reprises. En revanche, puisqu’il n’y a pas de ruptures de tons, il est plus facile de réintégrer le fil de la conversation. Tout compte fait, Belleville Baby, réel exercice d’introspection, propose une incursion poétique et douloureuse dans le passé amoureux et trouble de la cinéaste. Le tout drapé d’une forme près de l’artisanat (ne pas entendre au sens péjoratif) documentaire.

«Belleville baby» de Mia Engberg est présenté dans le cadre des Rencontres Internationales du documentaire de Montréal (RIDM). La deuxième projection du film aura lieu le 24 novembre à 14h au Cinéma Excentris. Pour plus d’information ou pour vous procurer des billets, consultez le http://www.ridm.qc.ca/fr/programmation/films/605/belleville-baby.

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