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Crédit photo : Festival du nouveau cinéma
Andrea Arnold livre ici non seulement le portrait d’une jeunesse désœuvrée, voire désenchantée, mais également celui d’une Amérique désolée, désertée. À mesure que la bande fait son porte-à-porte, le spectateur est témoin de tous les subterfuges possibles dont usent les jeunes vendeurs pour écouler leurs magazines. Camionneurs, rednecks, familles religieuses, enfants livrés à eux-mêmes, travailleurs du secteur pétrolier, tous y passent, et rien n’est laissé au hasard pour les convaincre de sortir leurs portefeuilles.
Récit larmoyant d’un parent décédé, discours sur la rédemption, mensonges éhontés sur une jeunesse difficile, tous les moyens sont bons pour arriver à ses fins.
Toutes ces belles paroles lancées aux portes par cette cohorte de jeunes et reçus par les résidents font écho, forcément, à la campagne présidentielle qui a lieu aux États-Unis actuellement. C’est ce qui est fascinant ici. Ce film, à la prémisse toute simple, dévoile au final une Amérique profonde, une Amérique qui ira aux urnes en novembre prochain. Inquiétant? Difficile de se prononcer là-dessus, mais c’est assurément réaliste.
Quant à cette génération perdue qui carbure à l’alcool, aux drogues, aux propos injurieux sans grande conséquence et aux chansons populaires à n’en plus finir, elle nous rappelle sans le vouloir l’univers de Larry Clark et d’Harmony Korine. Sans être aussi cynique et dramatique que ces deux derniers, celui d’Arnold semble tout de même sans issue, malgré ce que leur mode de vie veut bien nous faire croire.
Il y a une grande dichotomie à voir aller ces jeunes gens; d’un côté, ils poursuivent le rêve américain qui veut qu’à grands coups de courage et de détermination tout le monde puisse devenir prospère et, de l’autre, ils passent leurs soirées à s’épuiser dans des excès en tous genres. C’est juvénile, décomplexé, cru, honnête. Ils sont jeunes, on y croit, et surtout, on s’attache. Mais au fond, si ce n’était de Star, prénom brillant par excellence, on sortirait de ce film avec un grand sentiment de tristesse à force de voir cette jeunesse s’épuiser de manière futile.
À chacune de ses apparitions, Star (interprétée avec éclat par la révélation Sasha Lane) nous émeut par sa sensibilité et son audace, sa façon assumée de vouloir plus et mieux. Elle peut sembler opaque et mystérieuse; elle est plutôt transparente et vibrante, dans ses choix, dans son charme et dans sa perception des choses.
Si quelques choix scénaristiques s’avèrent légèrement dessinés à gros coups de crayon, l’ensemble est sauvé par l’habitude d’Arnold d’offrir un cinéma riche et texturé avec plusieurs couches d’interprétation, que ce soit au niveau visuel ou celui du récit. En effet, il s’agit d’une œuvre sensorielle avec beaucoup de relief; les couleurs sont brûlantes, les odeurs sont poussiéreuses, les matières et la lumière nous interpellent et finissent par nous intégrer dans ce monde qui semble de prime abord sans attaches ou tout un chacun est livré à lui-même.
«American Honey» prend l’affiche à Montréal ce vendredi.
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Par Entract Films
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de la rédaction